Chapitre 6

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Comme d'habitude, je prévois de m'y rendre dans les derniers. Le seul moyen que je connaisse pour abréger mon calvaire. Le programme du jour sera comme à chaque fois quasi exclusivement consacré à mes frangins, le tout sans la plus petite goutte d'alcool pour m'aider à tenir le choc. Au moins James vient sans les terreurs. Quoique ces monstres miniatures auraient eu le mérite de me distraire. Et puis je mets un point d'honneur à devenir la tante la plus cool possible.

De toute manière, les enfants de James sont encore trop jeunes pourqu'il en soit autrement. Mais je compte bien me montrer à la hauteur de mes frères et leur rendre la vie impossible plus tard. En attendant, je profite de leur adoration sans borne qui n'est pas pour me déplaire. Avec eux, j'ai toujours le sentiment qu'il est quasiment impossible de les décevoir.

La sonnette de ma porte d'entrée m'extirpe de mes pensées.

Etrange, je n'attends personne. Est-ce que Louise aurait mal compris mon texto ? À moins que ce ne soit Audrey ? Depuis notre virée de l'autre soir, elle est devenue encore plus collante qu'une glue. Etre copine avec ses collègues est « trop fun »pour elle. Non seulement je n'ai rien découvert à cette occasion, mais en plus je dois maintenant me coltiner une stagiaire encore plus exubérante qu'avant. Dès que je l'aperçois trottinant jusqu'à mon bureau, je sens poindre l'inévitable migraine qu'elle finit presque à coup sûr à me déclencher.

Pourvu que ce ne soit pas elle.

— Julian ? Que fais-tu là ?

— Vu ta forte propension au retard, j'ai jugé préférable de passer te prendre, m'informe-t-il tout sourire.

Bon sang ! Pourquoi faut-il que mes frères s'acharnent ainsi contre moi ? Qu'est-ce que je leur ai fait pour mériter ça ? Est-ce parce que mes parents leur ont délégué mon éducation ? Parce que je suis la petite dernière ? Un mélange de tout ça ?

Julian reste campé devant la porte. Il ne bouge pas, les bras croisés sur le torse, attendant que je le suive.

Sapristi ! J'aurai dû garder mon pyjama jusqu'audernier moment, là je ne dispose d'aucune excuse valable pour le faire patienter. De mauvaise grâce, j'attrape mon sac à main accroché à la parterre du couloir et lui emboite le pas jusqu'à sa voiture. Nous voilà partis pour un peu plus d'une heure de route.

A peine lancés sur l'asphalte gris, mon frère et moi avons notre première prise de bec concernant l'autoradio. Je veux mettre de la musique quand lui préfère écouter les informations. Rien de plus soporifique.

Finalement, nous optons pour le silence, seul compromis envisageable par les deux parties concernées. Je ne suis pas encore chez mes parents que déjà le temps s'égrène avec une lenteur me mettant au supplice. Si seulement, ils m'avaient adopté !

Pour couronner le tout nous parvenons en premier sur place. Ce qui en soit n'a rien de très étonnant vu que nous sommes également les plus proches. Voilà pourquoi,  j'aurais opté pour un départ bien plus tardif si Julian m'avait informé de sa volonté de covoiturage.

— Mes merveilleux enfants, quel bonheur de vous voir, nous accueille mamère, un poil trop enthousiasme pour être honnête.

Elle nous serre dans ses bras comme si notre dernière visite remontait à plusieurs mois. Il faut toujours qu'elle donne dans la démesure, j'ignore pourquoi. L'avantage, c'est qu'elle fait la conversation toute seule. Un véritable moulin à parole pendant qu'elle nous accompagne jusqu'au salon.

Une fois assis dans le vieux sofa familial, elle bombarde mon frère de questions sur absolument tous les aspects de sa vie. Je sors discrètement mon portable pour discuter avec Louise pendant ce temps. Non pas que la vie de mon frère ne m'intéresse pas seulement s'il souhaite me parler il sait où me trouver et puis nous nous voyons assez régulièrement.

Environ trente-cinq minutes plus tard, toute la fratrie est au complet pour le plus grand bonheur de ma mère qui se trouve sur un petit nuage. Je crois que si cela lui avait été possible, elle nous aurait tous gardés chez elle pour toujours. A chaque départ d'un de ses enfants, ce fut un déchirement. Etant la petite dernière, j'ai passé mes dernières années à la maison à tenter de remonter son moral et de la distraire. J'ai même choisi une université me permettant de rester quelques années de plus avec elle, histoire qu'elle ne se retrouve pas seule dans un grand appartement.

Pour être honnête, je ne suis pas convaincue que ça ait fait une réelle différence. Mon choix rassurait mes frères qui pouvaient construire leur avenir la conscience tranquille avec les deux personnes sur lesquelles ils devaient veillés s'entraider ensemble.

— Et toi, Clara, comment ça va ? Tu vois toujours ce gars ? Comments'appelle-t-il déjà ?

Nicolas se tourne automatiquement vers Julian.

— Hugo ?

— Vraiment ? J'aurais dit Marco.

Bon sang, il n'y en a pas un pour sauver l'autre !

— Théo ! je précise, excédée.

Toutes les têtes se tournent vers moi comme si tout d'un coup ils se souviennent de ma présence.

Si je n'y mettais pas un terme, on y aurait passé la journée, les connaissant, ils m'auront sorti tous les prénoms possibles et inimaginables.

— Inutile de crier, ma chérie nous t'entendons tous parfaitement bien. Nicolas, qu'avez-vous prévu avec ta femme pour les vacances ?

Et voilà, aussitôt oublier. Je croise le regard de Julian au moment même où ma mère achève sa phrase. Cet échange me laisse perplexe parce que j'ignore comment l'interpréter. 

Duos de chocsWhere stories live. Discover now