wooden home

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"Donnez moi un rêve où vivre parce que la réalité est en train de me tuer."

- Jim Morrison

- Ce soir, j'ai regardé le ciel et j'ai pensé à toi. J'ai pensé à toi, j'ai même rêvé de nous, je crois. J'ai rêvé que tu m'aimais, et non que tu fasses semblant de le faire. J'ai rêvé de nous, rêvé d'un amour partagé, d'une relation officialisée et des regrets abandonnés. J'ai rêvé de nous, de tout. De nous et de rien du tout. J'ai rêvé des courbes de ton corps, des mimiques si singulières qui te sont propres, de l'étirement de tes lèvres lorsque tu souris, de ta robe voltigeant au rythme de tes pas, au rythme de ton âme et de ton cœur. J'ai même entendu ton cœur battre, entendu tes soupirs, tes râles incessants, tes halètements et peut-être même tes gémissements. J'ai entendu ton souffle, j'ai entendu ton cœur ; je t'ai entendu. J'ai entendu tes cris, entendu tes pleurs et entendu tes supplications vaines. 

Il sourit tristement, jouant nerveusement avec ses mèches.

- Ce soir, j'ai rêvé que tu existais. J'ai rêvé cesser de t'imaginer, ma belle, parce que ça me tue. Ça me tue de me dire que jamais je ne pourrai te rencontrer, que jamais tu ne pourras exister. Ça me tue de me dire que tu n'es rien et pourtant tout à la fois. Ça me tue de me dire que ce que je vois, ça n'existe pas et n'existera jamais. Ça me tue de me dire, chérie, que si ton corps est suspendu dans le vide, c'est parce que les cieux t'abritent et te soutiennent.  Ça me tue de me dire, ma belle, que tu restes une enfant de la galaxie, et que, moi, je resterai toujours un simple terrestre, un simple et vulnérable humain. Ça me tue de me dire que ton innocence, ta pureté et ta beauté m'ont éblouis, bien qu'elles ne soient qu'éphémères. Ça me tue de me dire que, même si j'espère secrètement que tu n'éclaires que mes nuits, tu éclaires sûrement également celles d'autres. 

Ariel cesse de parler. Il déglutit, reprend son souffle : il ne peut pas flancher maintenant. 

- Ça... Ça me tue de me dire que ton corps est suspendu dans le vide mais qu'il ne pourra jamais tomber, ça me tue de me dire que tu es condamnée à rester accrocher. Ça me tue parce que, ce soir, chérie, je vais tomber. Ça me tue parce que ce soir, je vais tomber et que cette fois-ci, ce ne sera pas dans une piscine, ce ne sera pas dans une soirée et ça ne sera pas notre première rencontre. Ça me tue parce que ce soir, je vais tomber et que cette fois-ci, ça ne sera pas notre première rencontre mais notre dernière, chérie. Ça me tue parce que je ne sais pas si tu as envie de tomber avec moi, sûrement pas, même si je préfère continuer d'espérer que si. Ça me tue, tu vois, parce que même si tu en mourrais d'envie, chérie, tu ne le pourrai pas. Ça me tue parce que ce soir, chérie, je vais me sentir comme un criminel. Je vais t'arracher ma vie sans te laisser le choix et je m'en veux terriblement pour ça, mais j'espère que tu comprends, ou que du moins, tu comprendras. Je vais t'arracher ma vie et d'un certain côté, je vais arracher une partie de la tienne au monde, tu comprends ? 

L'adolescent rit tristement, secoue la tête, finit par se dire que, bien sûr que non, elle ne comprendrait pas. Elle ne comprendrait pas qu'Ariel avait simplement besoin de lâcher prise, besoin de tout foutre en l'air en commençant, poursuivant et finissant par lui-même. Elle ne comprendrait pas qu'Ariel avait simplement besoin de lâcher prise, de vivre en mourant parce qu'il mourait en vivant. Elle ne comprendrait pas qu'Ariel avait simplement besoin de lâcher prise parce qu'il était arrivé à un point de non-retour, à un point où ouvrir les yeux et respirer lui devenait douloureux, à la limite de l'insupportable, à la limite d'un supplice. Elle ne comprendrait pas qu'Ariel avait simplement besoin de lâcher prise, et ce, même si ça signifiait l'abandonner, mettre fin à leur histoire si belle, unique et pourtant si tragique car finalement impossible. Elle ne comprendrait pas qu'Ariel avait simplement besoin de lâcher prise, de lâcher prise sur tout, sur la vie, sur lui-même surtout. Elle ne comprendrait pas qu'Ariel avait besoin de lâcher prise, ne comprendrait pas que certaines fois, il n'y a pas besoin de raison pour être malheureux, de raison pour se détester à un point où être dans sa propre peau devient difficile, où l'on se sent inconfortable en étant soi-même mais qu'on est trop fatigués pour être quelqu'un d'autre, trop épuisé, sûrement trop usé aussi. Elle ne comprendrait pas que sa lumière n'ait pas pu pourchasser les démons d'Ariel présents depuis si longtemps déjà, bien qu'elle ait réussie à les éloigner, certaines fois. Non, elle ne comprendrait pas tout ça, parce qu'après tout, elle n'était que Sirius, fille des cieux, constellation brillante dans le ciel. Elle ne comprendrait pas que même si Ariel l'avait créé dans la naïve pensée de pouvoir s'en sortir,  il avait finit par se rendre compte que même son étoile ne pouvait plus l'apaiser. Ni même son imaginaire ne pouvait désormais le sauver du réel, de sa triste réalité. Non, elle ne comprendrait pas tout ça, parce qu'elle restait l'étoile et lui l'humain.

Et pour cela, Ariel venait de sauter.

"Trop Soi  pour se pouvoir souffrir,
L'esprit à sec et la tête ivre,
Fini, mais ne sachant finir,
Il mourut en s'attendant vivre
Et vécut, s'attendant mourir.

Ci-gît  -  cœur sans cœur, mal planté
Trop réussi,  -  comme raté."

- Tristan Corbière

siriusHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin