peep

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- Me revoilà ma belle. Aujourd'hui, je risque de beaucoup parler, désolé... J'espère que je ne vais pas t'agacer : ce n'est pas mon intention.

L'adolescent souffle un bon coup, inspire, expire puis se lance ;

- Je me sens de plus en plus mal et peu importe le temps qui passe, rien ne s'arrange. Le temps n'est pas un remède, il est un poison. Le temps ne m'aide pas, il ne me fait que davantage souffrir. Le temps me retient, le temps me secoue et me détruit. Le temps se mélange et certaines fois, je ne sais pas si le passé est mon présent, si le présent est mon futur ou si le présent est mon passé. Je ne sais pas si mon passé est mon futur non plus, et pour tout t'avouer, je redoute l'instant où j'aurai la réponse. La réponse à ma question, la réponse à mes questions. La réponse à "pourquoi ?", "comment ?", "quand ?". "Pourquoi cela m'arrive-t-il ? Pourquoi je me sens si mal ? Pourquoi respirer me donne l'impression d'étouffer et pourquoi étouffer me donne l'impression de respirer ? Pourquoi je ne ressens aucun plaisir, aucune joie ?". "Comment cela se fait-il, ne suis-je pas normal ? Comment vais-je faire pour m'en sortir ? Comment vais-je faire pour de nouveau apprécier sourire ?". "Quand est-ce que cela va s'arrêter ? Quand vais-je arrêter de compter les heures, les jours, les semaines et les mois ? Quand vais-je arrêter d'espérer, arrêter de quémander ? Quand vais-je apprécier les saisons ? Quand vais-je apprécier la chaleur singulière du soleil sur ma peau, la beauté solitaire d'une nature détruite, la froideur fascinante de la neige, la reconstruction stupéfiante de la nature ? Quand vais-je apprécier vivre ?".

L'adolescent sanglote, étouffe quelques pleurs, ne la lâche pas du regard et poursuit.

- Quand vais-je apprécier vivre ? Quand vais-je aimer et détester ? Quand vais-je ressentir autre chose qu'un vide profond, ressentir autre chose que le monstre qui me détruit, ressentir autre chose que le monstre qui me détruit, qui compresse mon cœur et le brûle ? Où que je sois, avec qui que je sois, la solitude m'est constante. Que je me trouve dans le cœur d'une orgie ou dans le cœur d'un désert, la solitude reste la même. Cette solitude, elle est ancrée en moi. Cette solitude, ma belle, tu vois, je la subis. Elle est une partie de moi, partie de moi-même la plus repoussante, la plus répugnante, la plus lassante. Plus triste partie de moi-même, plus sombre partie de moi-même. Je me sens tellement mal et tellement seul, ma belle... Je me déteste et je ne sais pas quand ni comment cela est arrivé, je ne sais pas ce que j'ai fais pour en arriver là, ce que j'ai fais pour commencer à me haïr à ce point. Je ne sais pas à partir de quand j'ai commencé à m'observer de longues minutes devant le miroir avant de rentrer dans la douche, à partir de quand j'ai commencé à haïr mon ventre plat, à partir de quand j'ai commencé à le décorer pour essayer de l'arranger. Je ne sais pas quand j'ai commencé à pleurer en me regardant, je ne sais pas quand j'ai commencé à m'affamer pour finalement davantage manger et davantage manger pour finalement m'affamer. Je...

Il pleure, halète, suffoque même. L'adolescent cherche à se contrôler, s'apaiser.

- Je ne sais pas quand ça a commencé et je ne sais pas quoi faire pour m'en sortir, je ne sais pas si j'ai envie de m'en sortir. Je ne sais pas pourquoi cela m'est arrivé, je ne comprends pas pourquoi cela m'est arrivé, pourquoi cela m'arrive. Pourquoi je n'arrive pas à me sentir vivre, pourquoi je n'arrive pas à rassurer mes parents, pourquoi je n'arrive pas à rassurer mes amis, pourquoi, toi, tu ne cherches même pas à être rassurée. Pourquoi je n'arrive pas à m'aimer ? Pourquoi tout l'argent du monde ne changera rien, pourquoi toutes les femmes du monde ne changeront rien ? Amis, famille et argent, même des amours ; j'ai tout pour être heureux. J'ai tout pour aimer la vie, mais je n'ai rien pour m'aimer. Je n'ai et n'aurai jamais rien pour m'aimer. Ce ne sont pas mes dents droites, blanches,mon corps musclé et mes cheveux bouclés qui me feront m'aimer. Pas même ma peau hâlée. Je plais à toutes et tous mais je n'arrive pas à me plaire, ma belle, tu comprends ? Je... Lorsque je me vois, je ne vois rien.

Sa vision est brouillée par les larmes, son cœur rend les armes, ses joues s'inondent et son âme s'effondre.

- Je ne vois rien, ma belle, et ça me terrifie. Je me terrifie. Le regard des autres me terrifie, mon regard me terrifie, ton regard me terrifie. Je suis effrayé, constamment. Effrayé et fatigué... Si fatigué de me lever, de respirer et devoir péniblement trainer mes pieds les uns devant les autres. Fatigué de devoir simuler, "hey, salut, ça va ? ouais, tranquille merci". Hey, salut, non ça ne va pas et toi ? Non, pas tranquille non plus, car je ne peux plus rien supporter. Tout devient hors de contrôle, hors de ma portée. Non, pas tranquille non plus, car je ne peux plus rien supporter, ni mes mensonges ni mes sourires. Non, pas tranquille non plus, car je ne peux plus rien supporter, ni mes rires ni mes pleurs, ni mes humeurs et que je me meurs. Non, pas tranquille non plus, car ça ne va pas, ma vie m'échappe devant mes yeux et je suis impuissant. Non, pas tranquille non plus, car ça ne va pas, ma vie m'échappe devant mes yeux et je suis impuissant au point où je suis spectateur de ma propre vie et que je suis également spectateur de sa fin. Non, pas tranquille non plus, car ça ne va pas, car j'ai besoin d'aide. Non, pas tranquille non plus.

je suis si fière
de toi mon ange.

siriusWhere stories live. Discover now