11 juillet 2019

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Les yeux à peine humides, Narcissa fixait le cercueil que le mage célébrant faisait descendre en terre. Une fois n'était pas coutume, Daphné avait fait du bon boulot. Le bois était sobre et élégant, la pierre tombale immaculée. À l'image de celle qu'ils étaient désormais chargés de protéger.

Elle releva la tête, avisa le cimetière bondé qui tout entier se recueillait. Le silence était assourdissant, mais, dans sa tête, un millier de voix chuchotaient.

Sans qu'elle ne le contrôle réellement, son regard tomba sur Daphné, plantée à quelques pas de là, entre Scorpius et William. Entre la réussite de sa sœur et son échec à elle. Elle eut envie de rire mais ne le fit pas, préférant pousser doucement Drago pour qu'il aille jeter la première poignée de terre. Les ongles qui s'enfoncèrent dans sa colonne vertébrale ramenèrent son fils à la réalité et il s'avança lentement, Scorpius sur ses talons. Daphné et son bâtard s'insérèrent derrière eux puis, enfin, Narcissa s'autorisa à prendre leur suite.

Quand elle plongea sa main dans le tas de terre laissé à la disposition des proches d'Astoria, elle ferma très fort les yeux pour ne pas repenser à toutes les personnes qu'elle avait déjà ainsi recouvertes. Peine perdue. Lorsque les grains bruns rebondirent sur le cercueil, ce ne fut pas seulement sa belle-fille qu'ils vinrent ensevelir, mais Bellatrix, Andromeda et Lucius avec elle.

« Les meilleurs partent en premier », lui avait-on souvent dit lorsqu'elle était enfant. Elle s'était toujours efforcée de ne pas y croire, trop consciente de sa propre existence pour pouvoir encore se regarder dans la glace en le sachant, mais, pour la première fois, elle eut l'impression que l'adage populaire avait raison. Car comment expliquer, sinon, qu'elle et Daphné soient toujours debout quand leurs sœurs, plus douées et plus vertueuses, croupissaient six pieds sous terre ?

*

Le cimetière se vidait déjà quand Daphné l'aperçut, debout face à l'unique tombe devant laquelle il daignerait jamais s'arrêter, une femme blonde au nez orné de lunettes dont rien que la monture devait valoir son salaire mensuel à ses côtés. Elle hésita longtemps. Si longtemps à vrai dire que, quand elle se décida à aller à sa rencontre, il ne restait à ses côtés plus que William, effritant du bout de sa chaussure vernie l'herbe roussie qui les entourait.

— On y va ? demanda-t-il, incertain. Ils vont nous attendre...

Daphné posa sur lui un regard inexpressif, sa grande taille l'obligeant à lever les yeux. Il lui ressemblait, c'était un fait que personne ne pouvait nier. Ils avaient les mêmes cheveux, les mêmes yeux, le même visage un brin allongé. Mais sa morphologie... Daphné ricana, jeta un œil aux deux silhouettes qui se tenaient toujours à quelques rangées de tombes de là, lui tournant résolument le dos, puis reporta son regard sur la maigreur du corps de son fils.

Prise d'un élan soudain de tendresse, elle caressa doucement son front, comme elle se plaisait à le faire quand il n'était qu'un nourrisson et elle une adolescente refusant de grandir.

— Il y a quelque chose que je dois faire avant, murmura-t-elle. Mais vas-y, Narcissa aura sans doute besoin d'aide.

— Tu vas sur la tombe de Papa ?

Elle sourit.

— En quelque sorte.

William hocha la tête, habitué à ses réponses évasives, et planta un baiser sur sa joue avant de disparaître en un craquement sonore qui la fit papillonner des yeux.

Avec un dernier regard pour la pierre tombale de sa sœur dont le marbre neuf était obstrué par les nombreux bouquets déposés là par l'assistance, elle prit une grande inspiration et se mit en marche en direction des deux individus, toujours aussi immobiles que des statues.

Les ImmoralesWhere stories live. Discover now