Chapitre 39 : Comprendre

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Erik eut un mouvement de recul à sa réponse.

Beovar s'était surpris lui-même. Mais maintenant qu'il avait laissé échapper ce qu'il pensait, il ne pouvait que le défendre. En fait, c'était presque comme s'il s'était convaincu lui-même. Léna le considérait d'un œil nouveau, à la fois surprise et intriguée. Elle avait lâché les outils et les quelques légumes qui lui occupaient les mains.

Il n'aurait su dire si elle approuvait ou pas, ou même si elle avait eu assez de temps pour le décider, étant donné le choc de sa phrase simple.

L'instructeur avait levé un sourcil, hésitant.

"Tu ne... Comprends pas ?"

Le futur paladin se racla la gorge, et se lança.

"Pourquoi devrions-nous obéir à des ordres quand nous savons qu'ils sont mauvais ? Pourquoi devrions-nous cautionner les agissements de Marcus alors qu'ils relèvent clairement du Mal ? Le but d'un paladin n'est-il pas de s'opposer au Mal ?"

Erik secoua la tête, puis leva une main, paume tournée vers son élève.

"Il ne s'agit pas de cautionner. Il s'agit d'obéir. Tu peux obéir sans être d'accord avec tes supérieurs. Tu dois obéir, même si tu n'es pas d'accord. On ne te demande pas d'approuver. Le principe, c'est que tes opinions ne valent rien face au jugement de ton chef."

"Mais ce n'est pas juste !" objecta Léna, soudain révoltée.

"C'est l'armée, c'est le corps des Paladins qui veut ça. On vous a prévenus, à votre arrivée dans la caserne. Vous êtes révoltés seulement maintenant parce que vous avez vu ce que cela signifiait en réalité."

"Mais..." poursuivit Beovar, une foule d'arguments en tête.

Le regard d'Erik le fit taire.

"Qui es-tu pour juger les actions de ton supérieur ? Qui es-tu pour décider quels ordres suivre ou ne pas suivre ? Tu veux suivre ta conscience ? Qu'est-ce qui garantit à ton chef qu'il pourra compter sur toi sur le champ de bataille, alors ? Qu'est-ce qui se passera quand il te demandera de tenir le front et que tu estimeras qu'il faut reculer ? Et si tout le monde agit comme toi, imagine le nombre de trous ainsi créés dans la formation de tes camarades."

"Ce n'est pas la même chose !" s'exclama Léna, galvanisée. "Il ne s'agit pas de déserter, simplement de ne pas se laisser maltraiter !"

L'instructeur soupira, avant d'expliquer.

"Ce n'est pas ma façon de voir les choses, mais Marcus les voit comme ça. Vous serez maltraités. Par la vie, par la guerre, par votre engagement. Il préfère que ce soit par lui et devant lui, que quand vous serez privés de tout soutien, quand vous serez seuls. Il veut vous endurcir, il veut vous rendre indestructibles."

"Et ceux qui ne peuvent pas suivre le rythme ?..." opposa Beovar.

"Selon lui, ceux-là ne méritent pas d'être dans les rangs. Mais surtout, surtout, il ne faut pas qu'ils y soient. Parce qu'alors ils se mettraient en danger. Et menaceraient leurs camarades par voie de conséquence." exposa Erik, le regard triste. "Je considère qu'il faut donner une chance à tous, que tout le monde la mérite. Mais sa façon de voir n'est pas objectivement moins bonne. Elle est juste... Différente. Marcus se fiche de votre bien-être, il se préoccupe de vous garder en vie. Vous et vos frères d'armes. Et surtout. Surtout. Il est capitaine, et je ne le suis pas. Alors c'est à lui de décider comment il mène ses hommes, et pas à moi. La règle est claire et tout le monde l'accepte, de façon à ce que la cohésion survive."

Il avait terminé en levant son index, insistant bien sur les derniers mots.

"J'espère bien que vous avez compris, cette fois-ci... Tous les deux. Si Marcus vous voit tenir ce genre de discours, il n'hésitera pas à vous renvoyer chez vous... Et ça me désolerait de voir partir deux élèves si prometteurs."

NationsWhere stories live. Discover now