Chapitre 23 : De sable et de sang

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Khorman était couché sur la dune de sable ocre, offrant sa large nuque au soleil brûlant et aux nuages de poussière balayés par le vent.

Il attendait, dissimulé.

Sa peau d'un vert profond contrastait avec la couleur terne du sol désertique. Il était obligé de rester caché derrière ce relief naturel, pour ne pas se révéler à sa proie.

Il la traquait depuis cinq longues heures. L'erokta s'approchait de l'oasis à pas feutrés, prudente. Elle ressemblait à une antilope qui se serait adonnée au Vitalisme.

Sa face chevaline, étroite et allongée, couverte de poils ras brun clair, était surmontée de deux droites et robustes cornes osseuses. Une solide carapace d'os protégeait son dos et son flanc musclé, supporté par des pattes minces mais taillées pour la course.

Une fois dépecée et vidée, l'erokta nourrirait bien son clan. Khorman avait investi trop de temps dans cette chasse pour se permettre de revenir bredouille.

L'orc raffermit sa prise sur sa lance d'ivoire blanc, crispant ses muscles : le moment approchait.

Sa proie profitait de l'ombre que lui offrait les quelques palmiers qui se tenaient là, abreuvés par la flaque d'eau sortie des froides profondeurs du désert.

Tranquille, l'erokta broutait lentement les quelques grappes d'herbe qui s'offraient à elle, en clignant des yeux : elle appréciait l'instant où elle pouvait enfin se repaître.

Khorman serra les dents, prêt à l'action : c'était le bon moment, celui où sa proie pensait le moins à la fuite. Mais sa survie était constamment présente dans son esprit.

Le vent se leva et mugit, emportant avec lui un nouveau nuage de sable chaud. Cela alerta l'erokta, ses courtes oreilles se dressèrent sur sa tête, et elle jeta des regards paniqués dans toutes les directions, cherchant à repérer un éventuel prédateur.

Elle ne le trouva pas : l'orc était resté caché derrière son monticule. Il fallut à l'erokta quelques secondes pour se calmer, pour envisager de s'engager plus encore dans ce petit carré de végétation isolé.

L'animal lapa quelques gorgées de l'eau fraîche de l'oasis, maintenant détendue.

Khorman estima sa distance avec sa cible à une vingtaine de mètres. Il devrait être précis. Il n'aurait qu'une seule chance. Ses jointures blanchirent en forçant sa prise sur son arme de jet, et il se concentra pour visualiser la trajectoire qu'elle devrait effectuer. Droit vers son cou. Il devait la tuer avec ce seul lancé.

Stressé par la concrétisation d'interminables moments d'attente, l'orc saisit sa chance. Il bascula de l'autre côté de la dune d'une traction de ses bras, tenant encore dans sa main la lance, faisant de son mieux pour le faire silencieusement. L'erokta lui tournait toujours le dos, le vent qui arrivait d'en face dissimulait sa poisseuse odeur de sueur. C'était parfait.

Il prit de l'élan sur deux larges pas, recula son épaule droite, puis... Relâcha toute sa puissance dans son lancer, usant même de sa magie de Gravité pour alourdir l'impact.

L'ivoire brilla d'un léger halo brun clair quand elle fendit les airs, vrombissante, fusant vers la nuque de la proie insouciante. Une seconde avant le choc, l'erokta dressa ses oreilles, percevant le froissement de l'air, surprise. Ses pattes se crispèrent, et elle voulut se tourner vers l'origine du bruit.

Ce mouvement lui sauva la vie : la lance ne frappa pas directement sa chair, mais elle heurta avec violence la carapace qui couvrait son flanc. L'orc avait mis tant de force dans son arme que l'os se brisa en mille éclats et perça sur quelques centimètres la peau de l'animal, qui héla de souffrance. L'inertie fit basculer l'animal sur le côté, tombant à la renverse. La lance d'ivoire se brisa en deux à cet impact.

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