Lettre d'un ermite du fond de sa grotte

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Vous serez peut-être étonné de lire ces quelques lignes (enfin, il se peut qu'elle soient nombreuses), après tant de temps. Oui, votre petit Greg a plus ou moins disparu de la sphère numérique. Que ce soit sur Wattpad, mon blog, mais aussi sur les réseaux sociaux, Greg ne dit plus un mot, ne pose plus sa plume, ne raconte plus d'histoires. Hormis la publication de l'Aube d'un monde meilleur, plus personne ne m'a vu, à l'exception de rares posts sur Facebook que je regrettais vite fait d'avoir posté. Mais ne plaçons pas la charrue avant les bœufs.

Le temps s'écoule, à son aise, et si l'on y prend pas garde, les années filent à une telle vitesse que l'on passe à côté de plein de choses. Cela fait maintenant un peu plus d'un an que je ne suis plus Greg l'auteur, le doux utopiste qui veut changer le monde ; mais Greg, le gars du support informatique qui passe ses journées sous stress, noyé par les demandes et vociférations des utilisateurs de son client. Et quand il rentre le soir, chez lui, complètement épuisé, il ne pense qu'à une chose, aller dans son lit et se morfondre sur son rêve qui s'éloigne de plus en plus.

Je suis devenu le fainéant que j'ai tant décrié dans le billet de blog qui a assis ma « notoriété » sur internet :ce simple quidam qui se lève le matin, va au boulot et s'affale dans son canapé le soir après avoir couché son gosse, sans rien faire pour rendre ce monde un peu plus beau. Les rares tentatives de lancement de mon traitement de texte ont été remplacées dans les cinq minutes par un écran de jeu vidéo. Ne plus penser à rien, se laisse porter par un monde virtuel pour essayer quelques instants de me faire oublier un monde qui me donne la nausée.

Et dire que j'en voulais, à ces personnes, qui se comportaient comme des moutons, suivants leur meneur qui les emmène en toute conscience à l'abattoir. Ce n'est que seulement en le vivant, et en y réfléchissant ces derniers jours, que j'ai a réalisé à quel point ce monde, ce système, est créé dans le but de nous épuiser à la tâche et de nous fournir des divertissements et autres faux besoins. Je l'avais déjà déclamé, bien sûr, mais le vivre de plein fouet, pour moi, m'a convaincu du bienfondé de cette pensée. Nous sommes tellement débordés que nous nous éloignons des uns des autres, nous enfermant dans une sorte de bulle, regardant le monde extérieur d'un œil distrait.

Les gens ne se parlent plus. Ils restent dans la douche chaleur de leur foyer afin de converser faussement sur les réseaux sociaux. Ils parlent de tout et n'importe quoi, s'immiscent dans les conversations des autres pour éructer quelque pseudo ou contre-vérités. Me promener sur Facebook me donne l'impression d'être face à une immense cacophonie totalement inaudible. Noyé dans ce bruit d'images violentes, de cris sur un point d'actu ou de tous ces statuts où l'on tente de montrer la meilleur d'image de soi au monde. Surtout ne montrer que les bons moments ou autres sourires artificiels : parler de son désarroi, de sa souffrance, n'amèneront pas les likes nécessaires pour notre décharge de dopamine. Toute opportunité de dialogue et de réflexion est balayée par des sondages à la noix, des réactions primaires. Je me suis fermé comme une huître, incapable de parler par ces canaux, mais pire encore, dans le monde loin du clavier. J'ai été incapable de décrire mon mal-être de ces derniers mois même à mes proches. J'étais incapable de dire que ne plus écrire me rongeait intérieurement, et que je me sentais extrêmement mal.

Les réseaux sociaux sont devenus une grande source d'anxiété pour moi. Ce flux constant d'images négatives me rongent de l'intérieur. Mes quelques passages sur Facebook ces derniers mois, même sans participer à quoi que ce soit, ne font que renforcer ce questionnement sur l'utilité de ma présence sur une telle plateforme. Ces quelques passages ont renforcé également une jalousie dont je ne soupçonnais même pas l'existence. Voir tous ces auteurs et autrices arriver à combiner travail, vie privée et activités d'écriture me faisait naître une frustration intense, surtout en voyant deux manuscrits terminés,attendant un hypothétique relecture, prendre la poussière sur mon bureau.

J'ai beaucoup réfléchi ces dernières semaines, entre quelques séances de déprime et colère. M'apitoyer, encore et encore sur moi-même en espérant un quelconque miracle, ne me fera jamais écrire à nouveau. Ce dont j'ai besoin, c'est d'une bonne paire de baffes et d'arrêter de me distraire pour évacuer ce mal-être.

Vous l'avez compris, le moral du petit Greg n'est pas au beau fixe. Mais au moins le déclic est enfin arrivé. Il me faudra encore un peu de temps pour être présentable en sortant de ma grotte. Mettre un peu d'ordre, couper définitivement ces sources de nuisances. Redevenir ce Greg rêveur, optimiste, qui ne pensait qu'à semer des graines autour de lui. Je ne sais pas encore quand, ni comment, mais je reviendrai. Car malgré mon incapacité à pouvoir poser des mots, les idées n'ont pas cessé d'affluer. Et il est temps de les concrétiser.

Je ne vous oublie pas. Mais cette retraite est pour moi nécessaire afin de me recentrer. Il me faudra peut-être encore une ou deux paire de claques pour bien me réveiller. Mais je suis sûr que pour ça, je pourrai compter sur vous !

Bises à toutes et tous, et à bientôt.

Ze rantbook d'un vieux croûtonWo Geschichten leben. Entdecke jetzt