Chapitre 27 partie 1

234 41 108
                                    

TROISIÈME PARTIE : WAR DRUMS

Dangerous men meet in narrow streets


Chapitre 27 (partie 1)

We're one but we're not the same
well we hurt each other

and we're doing it again



Belle n'avait pas eu à attendre très longtemps.

Face à elle, l'encadrement de la porte découpait un morceau de nuit noire et dense, par contraste avec la lumière électrique aveuglante de la station. Une arche entre deux univers. Deux périodes de sa vie, peut-être. Prêtes à se rencontrer enfin.

Ou juste une satanée porte qu'elle n'avait pas fait l'effort inutile de fermer.

Baissant les yeux sur l'arme qu'elle tenait, sagement posée sur ses genoux pour l'instant mais toujours vibrante de frénésie contenue, elle réalisa qu'elle ne savait pas quoi faire. Une si longue attente - six ans, peut-être plus, peut-être qu'une part d'elle savait depuis longtemps qu'ils en arriveraient là - et pourtant elle n'avait pas réellement considéré ses options.

Les tuer tous ? Comme si elle le pouvait.

Et Kiz ?


— Bonsoir, grande soeur.


Belle releva calmement la tête, ses traits maintenus dans une immobilité qu'un sculpteur n'aurait pas renié. Une seconde d'inattention et voici que Kiz était là, franchissant le palier de sa démarche gracile ; une vision qu'elle n'avait pas eue depuis six ans.


— Salut, Wandering Spider, répondit-elle sur le même ton, s'efforçant de contenir toute émotion susceptible de teinter sa voix.

— Tu m'attendais ?


Elle n'avait pas tant changé à la surface, mais les tendances que Belle avait remarquées à l'époque - cet éclat de plus en plus froid dans le regard, la moue sarcastique, les traits qui se creusaient et se durcissaient - s'étaient accentuées. Les tatouages vaudous et tribaux s'étaient étendus à ses épaules, ses bras, ses mains. Ses cheveux raides et bruns lui arrivaient au bas du dos à présent, et sa frange rasait avec une précision chirurgicale la ligne de ses longs cils. Le visage en lui-même était toujours fin, pointu et d'une symétrie presque parfaite, rompue brutalement par ses yeux vairons et la cicatrice insultante qui barrait ses lèvres, leur conférant un rictus naturel inquiétant. Quant à la machette qu'elle portait à la ceinture, il était tout bonnement impossible de ne pas la remarquer. Derrière la femme venimeuse, Belle devait faire toujours plus d'efforts pour distinguer l'enfant cent fois brisée qu'elle avait connue et savait toujours présente quelque part, alimentant son cœur malade d'amertume.


— Eh bien, il m'est venu à l'esprit que tu viendrais visiter cet endroit en premier, répondit-elle posément.

— Qu'est-ce qui t'a poussée à faire ce pari ?

— Disons qu'à mon époque, je me rappelle qu'on n'avait pas accès à autant d'armes à feu que Papa Nightmare l'aurait souhaité - beaucoup trop d'armes à feu pour des enfants, mais pas assez pour, disons, attaquer une ville entière. Et dans la station du shérif... il y en a pas mal.

— Je vois.

— Bien sûr, c'était un pari, puisque ce problème aurait très bien pu avoir été réglé pendant ma longue absence.

Les Échos du bayouWhere stories live. Discover now