Chapitre 14 partie 2

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And I can still hear my old hound dog barkin', chasin' down a hoodoo there




A la fin du repas, la tension, faible mais constante, baissa distinctement à mesure que la tablée s'éparpillait et que les convives s'éloignaient physiquement les uns des autres. L'air bourdonnait encore de rancunes tenaces et de comptes pas tous réglés. Kay se sentait la tête lourde : difficile d'en établir la cause exacte, entre l'atmosphère, la nourriture, la météo... La jeune femme fit quelques pas vers l'étang et la frondaison des arbres pour lutter contre l'engourdissement qui la gagnait. Plusieurs invités déambulaient aussi, et personne n'avait l'air d'y prêter grande attention. Sauf Louis, qui la rejoignit en quelques enjambées, les mains dans les poches.


— Je pensais aller faire une promenade dans la forêt histoire de digérer, expliqua-t-il. Tu veux venir ?


Elle hésita quelques secondes, avant d'avouer finalement :


— C'est exactement ce que je pensais faire.

— Allons-y, alors.


Ils s'engagèrent dans un sentier vaguement défini, qui longeait l'étang et s'enfonçait ensuite au milieu de la végétation. Les premières minutes furent calmes et silencieuses, si l'on excluait la nature qui s'agitait.


— C'était un sacré barbecue. Vous faites vraiment ça tous les dimanches ?

— A peu près. Mais pas toujours chez nous, heureusement.

— Ça manque en ville, ce genre de choses. Partager un moment convivial avec ses voisins.

— Convivial ?


Le grand blond eut un rictus fatigué.


— La moitié d'entre eux, au moins, va dire du mal de nous dès qu'ils seront de retour chez eux.

— Du mal de vous ? s'étonna Kay. De quel genre ?

— Hm, probablement les trucs habituels, « prétentieux », « consanguins »...


La jeune femme eut un sursaut et rougit violemment.


— Mais pourquoi est-ce qu'ils diraient des choses pareilles ?


Louis haussa les épaules.


— Parce que c'est ce que les gens font, partout, Kay. Je dis du mal d'eux aussi. Tu dois bien faire ça aussi, parfois, ajouta-t-il avec un léger sourire.


Elle se remémora les soupçons qu'elle avait émis sur Jesse et sur son interlocuteur le matin même, et elle se sentit rétrécir à l'intérieur.


— Pour être honnête, reprit le jeune homme après un soupir, la réputation de ma famille n'est pas entièrement injuste. Mes ancêtres avaient une haute opinion de leur lignée et se sont mariés entre eux à tour de bras. J'ai vu des portraits de mon arrière, arrière grand-père, il avait encore le menton prognathe et le front bas des consanguins. Il y a eu plusieurs anomalies physiques ou mentales dans les générations qui nous précèdent, même les plus proches de nous.

Les Échos du bayouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant