3. Salem

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"Les gens ont la terreur des vrais dangers et, dans leur peur peut-être, en imaginent qui n'existent pas."
- Elizabeth Gaskell, La sorcière de Salem.

Sarah Johnson

Ma meilleure, c'est Abigail. Abigail Williams. On se connaît depuis qu'on est toute petite. C'est une fille honnête et courageuse. Mais ici les apparences comptent plus que la vérité. On avait 17 ans quand on l'a compris.

On est toute mes deux dans la forêt avec Lily, sa cousine de 7 ans, et on s'amuse. En cachette, parce que s'amuser est interdit ici, surtout pour des jeune filles. On rit, chante, court et danse au milieu des feuilles d'automne.

Soudain Lily devient toute blanche et s'évanouie. Abigail et moi courons vers elle. Abigail la porte jusqu'à chez son oncle qui est médecin. Arrivées à la porte, son oncle nous ouvre et se précipite sur sa fille, il l'emmène dans sa chambre pour l'examiner. À présent les yeux de Lily sont figés ouverts et arborent un regard vitreux, son corps est glacé et raide. Son père ne cesse de nous répéter "Qu'avez-vous fait ?". De colère, il nous repousse et nous ordonne de sortir.

Le lendemain le décès de Lily est annoncé, la cause : sorcellerie. Pour l'enterrement, Abigail et moi sommes près de la tombe quand un jeune du village s'exclame "Sorcières ! Sorcières !" En nous désignant. Alors, tout le monde s'écarte de nous. L'oncle d'Abigail nous regarde, les yeux pleins de larmes et de rage, et il nous tourne le dos en répétant doucement "Qu'avez_vous fait ?". La rumeur disant qu'Abigail a fait preuve de sorcellerie pour tuer sa cousine s'est répandue dans tout le village. Le jeune a affirmé nous avoir vu invoquer le diable dans le forêt juste avant de voir Lily s'écrouler sur le sol.

Ensuite les preuves et témoignages se multiplient contre Abigail. Deux de nos amis ont commencé à avoir des convulsions que le révérend a jugé comme étant l'oeuvre du diable. La panique déferle sur le village, toutes personnes de Salem suspectent son voisin d'avoir invité le diable chez lui. Abigail est la première accusée et la première condamnée. Le jugement est parfaitement inégal, des preuves absurdes s'enchaînent : elle porte du noir, achète des herbes pour ses incantations, parle toute seule, est orpheline - probablement abandonnée par ses parents qui la savaient sorcière - et enfin elle va souvent dans la forêt pour invoquer le diable. Abigail ne sait plus comment se défendre. Elle hurle son innocence mais personne ne semble l'entendre.
Elle est épuisée et pleure sans cesse, j'essaie de lui montrer mon soutien en lui souriant depuis ma place. Soudainement, quelqu'un fait remarquer que je dois être une sorcière aussi.

- Non, hurle-t-elle, elle n'a rien fait ! Laissez-la !

- Elle n'était pas présente quand votre cousine est morte ? questionne le juge.

- Si, se résigne-t-elle à répondre.

- Vous aidait-elle à invoquer le diable ?

- Non, se presse-t-elle de répondre, elle n'a rien fait.

- Vous avouez donc que vous invoquiez le diable et qu'elle n'y participait pas ?

Hésitante, Abigail me fixe. Maintenant, c'est moi qui pleure à chaudes larmes. Je la supplie par des gestes de tête de ne pas répondre.

- Oui.

Voilà comment Abigail se retrouve à avouer un crime qu'elle n'a pas commis. Toute la salle s'exclame : "Sorcière !" "Démon !" "Brûlez-la !". La peine est tombée, Abigail est pendue pour acte de sorcellerie, invocation du diable et meurtre de sa cousine.

Seulement ça ne s'est pas arrêté à la mort d'Abigail. D'autres jeunes filles ont des convulsions, font des malaises, tombent raides mortes et d'autres jeunes filles sont accusées puis condamnées. Rapidement, les gens ne passent plus par un procès. Pour savoir si une personne est une sorcière, on la noie et si elle remonte à la surface parce que c'est une sorcière, on la pend. Un homme accusé de sorcellerie se retrouve écrasé sous une pierre sans avoir eu le temps de se défendre. La panique et ma haine sont en train de détruire le village, renforçant l'idée que le diable est parmi nous.

Je sais que ma fin approche, emportée par le diable ou par la foule, la mort, bientôt, m'enlacera.

Mythes et légendesWhere stories live. Discover now