Partie 4

5 1 0
                                    

 « – Père »

La voix de la jeune femme résonna dans la noirceur profonde des limbes. La respiration lourde, elle vit la carcasse émaciée d'Hemrich se tordre afin de se redresser. Les bras et les jambes secoués de spasme, il clopinait dans sa direction sans vraiment avancer. Le sang dégoulinait de ses plaies ouvertes, des lambeaux de chairs se détachaient de son corps fracassé, sa bouche déchiquetée laissait pleinement apparaître sa dentition pourrie et noire. Des vers grouillaient à la surface de sa peau verdâtre et de ses yeux blancs. Un rire hystérique s'échappa de la bouche de Belle, se tordant, se pliant afin d'accueillir cette douce vision.

« – Les limbes...tu n'y as pas échappé non plus Hemrich » Sa voix enrouée par l'épaisseur de l'air ambiant s'évadait de ses lèvres comme une fumée âcre et noire.

La jeune femme se demandait si elle ressemblait à son père, si elle aussi était bouffée par les vers, si son abdomen laissait pendre ses entrailles en putréfaction. Elle agrippa ses cheveux, brusquement saisit par l'ironie de la situation. Sa haine l'avait rendue comme Lui. Elle était devenue un monstre.

Quand elle baissa les yeux pour regarder son corps, ou son cadavre, celui-ci était vêtu d'une tunique bleue. Aucune trace de pourriture, aucune plaie ni moisissure. Son père était recroquevillé sur le sol comme une larve, gémissant de peur et de douleur. Une lumière verte venue d'en haut lui fit lever la tête, ses lèvres s'arrondirent. Une magnifique femme aux ailes translucides et à la robe verte descendait vers les limbes, éclairant la noirceur, la douleur. Cette femme, Belle la connaissait. C'était sa mère.

La jeune fille tendit le bras, la retrouvant enfin.

« – Maman...tu es là ? C'est bien toi ? Gémit Belle en se blottissant dans les bras de la fée verte.»

Sa mère ne répondit pas, ses yeux étaient fixés sur l'immonde humain qui lui avait tout pris. Sa liberté, sa vie, sa fille...

« – Méfie-toi de l'eau verte, suis le chemin des fées, elles seules pourront te libérer du sortilège qu'il t'a infligé...Méfie-toi de l'eau verte...Méfie-toi mon enfant... »

Belle ouvrit brusquement les yeux, passa ses doigts sur son visage trempé de sueur et de larmes. Son pouls battait avec violence dans ses veines, alors que les contours de son rêve s'estompaient pour ne laisser que la phrase étrange de sa mère. Pensivement, la jeune femme regarda la bague de sa mère et sursauta. Elle ne brillait plus de cette fameuse lumière verte mais été devenue d'un bleu turquoise. Ses dents claquèrent sous l'effet de l'adrénaline conjuguée à la peur d'avoir perdu tout lien avec sa mère.

Elle se redressa dans son lit, la lumière perçait des lourds rideaux fermés, elle se leva, savourant le contact du tapis moelleux sous ses pieds nus, son ventre gargouilla mais elle n'osait pas mettre un pied dehors et risquer de croiser le comte. Encore un problème à régler, il était d'une beauté à couper le souffle et son aura l'attirait, c'était indéniable. La proximité de leur corps avait créé des étincelles entre eux, une drogue dont la jeune femme n'avait eut qu'un aperçu. Tout à ses réflexions, elle ne se rendit pas immédiatement compte que l'immense armoire à côté de son lit la regardait faire les cents pas. Le hurlement que poussa celle-ci la fit sursauter, elle porta sa main à sa poitrine où son cœur s'emballait comme un cheval fougueux.

« – Madame ?! Déglutit péniblement Belle en regardant l'objet volumineux, incrédule.»

La commode s'éclaircit la voix, secouant ses nombreux battants grinçants, elle se présenta d'une voix de Diva, forte et assurée, presque chantante.

« – On me nomme Madame d'Arre Moire, pardonnez-moi si je vous ai surprise, je me suis aperçu qu'une robe que je garde pourrais vous aller à la perfection ! »

La Malédiction de BelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant