Chapitre 60 « T'as qu'à partir alors »

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— Pardon ? demandai-je sans comprendre.

Un large sourire amusé fendit le visage de mon amie.

— T'as fais comme Haks avec tes lèvres là ! Sa tête qu'il fait tout le temps !

Elle mima la fameuse expression d'Hakim et je grimaçai.

Oh mon Dieu, quelle horreur ! Je n'avais aucune envie de me mettre moi aussi à faire cette moue insupportable.

— C'était une erreur, me défendis-je.

Au même moment mon portable vibra dans ma poche.

Quand on parlait du loup.

Hakim : Jvais pas rentrer de la nuit. Appelle si t'as besoin. Fais pas trop la ouf.

J'étais déjà au courant que les garçons passaient eux aussi, la nuit à enterrer la vie de garçon de Ken. Hakim n'avait pas voulu me dire un mot du programme, mais d'après ce que j'avais compris de ses conversations téléphoniques à voix basse avec son frère, ils avaient prévu une nuit avec tout l'entourage à faire le tour de Paris pour revenir sur leur plus belles conneries.

— Tu stresses pas trop ? me demanda Judith en zieutant sur mon écran, Moi j'aime pas trop savoir Théo dans ce genre de bail. Avec toutes les michtos qui leur tournent autour quand ils sortent quelque part...

— Non pas du tout. Hakim sait très bien que s'il se passe quelque chose avec une autre fille, je ne lui pardonnerai jamais et tout sera terminé entre nous, aucune deuxième chance possible. Donc s'il le fait c'est soit par ce qu'il veut me quitter, soit qu'il est complètement con. Dans les deux cas ça veut dire que j'ai rien à faire avec lui. Donc à quoi ça sert de stresser ?

Judith me considéra quelques secondes avec surprise.

— Donc tu lui fais confiance, ou juste tu le prends avec fatalisme ?

— Les deux.

C'était très étrange mais j'avais vraiment confiance en Haks, il était plus du genre à repousser les filles collantes qu'à les encourager.

Tout en engloutissant mon énième bloody Mary, je répondis brièvement au rappeur de ne pas s'inquiéter pour moi.

Pourtant quelques heures plus tard, je me rendis compte que l'alcool bu en quantité depuis le début de la soirée, ne me donnait pas le même sentiment d'euphorie qui habitait Camille et Judith. J'étais blasée, presque triste et aigrie et ne comprenais pas vraiment pourquoi. Mes paupières retenaient difficilement l'eau qui surchargeait mes yeux.

L'estomac noué et la gorge sèche, j'avais envie de partir. Les corps se déchaînaient dans la boîte, et je me sentais étrangère à la fête, comme s'ils n'étaient que des fantômes alcoolisés avec lesquels je n'avais rien en commun. Les filles riaient et je m'efforçai de garder une façade joviale pour ne pas les alerter.

Le pire, c'était que je ne comprenais même pas pourquoi j'étais soudainement aussi mal à l'aise.

Je jetai un regard à l'heure : 2h30.

La nuit allait être très longue.

Elle le fut, faire semblant était un exercice épuisant, quand le cœur rêvait d'appeler au secours, le maintenir silencieux monopolisait des ressources d'énergie assez énormes.

Ce n'est que vers 7h que je pus enfin me laisser tomber sur mon lit, totalement ivre et déprimée. À peine allongée, je dus me relever aussitôt pour aller vomir, le dernier verre était celui de trop.

Toussant et hoquetant, la tête dans les toilette, les larmes aux yeux, la gorge en feu et l'estomac douloureux, je me surpris à vouloir mourir.

Clémentine allait se marier, fonder une famille, Lucie aurait bientôt un enfant dans les bras, et moi dans tout ça ? La danse avait toujours été mon objectif principal et maintenant elle restait irrémédiablement associée à Benoit. Toute ma vie en franchissant les marches de l'opéra, je m'attendrais à l'entendre m'appeler.

FélinsWhere stories live. Discover now