Chapitre 3 : David

Depuis le début
                                    

Mon meilleur ami hoche la tête, rassuré. En le voyant allumer son ordinateur, je réalise que je n'ai même pas de quoi écrire. Je récupère des feuilles de brouillon dans un tiroir et un stylo mâchouillé. Ça ira. Je m'installe à deux places de Léo qui s'est déjà plongé dans ses notes. Son ordi rame, comme toujours. C'est le vieux de son frère qu'il a récupéré le jour où Henri a eu assez de fric pour s'en acheter un neuf. Il a mis sa chemise rose, celle que j'aime bien. Je suis moins fan des bretelles de papi, mais ça va avec son style. Il en met depuis qu'on est à la fac, au lycée les gens se seraient foutu de sa gueule.

— J'ai pas pu imprimer l'ordre du jour, explique-t-il sans quitter des yeux son écran.

L'imprimante chez moi déconnait.

— C'est pas grave, on prendra des notes.

— Je préférerais qu'on l'ait sous les yeux. Tu peux trouver des feutres pour le tableau ? On doit en avoir dans le bureau.

Je préfère ne pas le contredire et je me dépêche de faire ce qu'il dit. Je trouve un feutre noir et un rouge. Je les teste sur un coin de tableau blanc, seul le rouge marche. Ça fera l'affaire. Léo me dicte l'ordre du jour.

— Répartition des rôles. Échéances de l'année. Dix ans. Comptabilité. Numéro de septembre-octobre. Distribution. Communication. Inter-associatif. On terminera comme d'habitude avec les points divers. Et on posera aussi la date du prochain CA.

— C'est tout ?

Je m'attendais à ce que cette histoire de déménagement soit évoquée. Peut-être qu'on en parlera dans les points divers ? Léo vérifie ses notes.

— Oui, c'est bon. J'espère que ça durera pas quatre heures.

— On verra.

Je n'y crois pas trop. Le premier CA de l'année est toujours le plus long. Il se relève et fouille dans l'armoire. Il sort des verres, la boîte de café instantané et les sachets de thé. Ah, c'était là que c'était rangé. J'aurais pu y penser. Il embarque la bouilloire aux toilettes pour la remplir d'eau.

— Au fait, ça a été avec la fac ? je lui demande alors qu'il revient.

— Ouais, j'ai poireauté deux heures devant le bureau, mais j'ai fini par voir quelqu'un. Ils ont réglé le problème manuellement et j'ai pu m'inscrire à mes TD. Évidemment, il restait plus que les horaires de merde. Tant pis. Au moins je suis inscrit.

Vu comme ça. Je le plains quand même un peu. Perso j'étais prêt à minuit tapant pour faire mon inscription pédagogique. Ça a duré bien une heure et demie, avec les plantages du site et les mentions « cours complet » qui apparaissaient au fur et à mesure que je choisissais mes options. Mais au moins, j'avais l'avantage que mes identifiants fonctionnent, ce qui n'était pas son cas. Le pauvre, il doit se taper des TD le samedi matin ou les soirs jusqu'à vingt heures.

— Saluuuuut ! Ça va ? lance une voix familière.

Gwen vient d'arriver, dans une robe jaune imprimée avec des oiseaux orange, absolument hideuse. J'ai du mal à comprendre pourquoi elle porte des trucs aussi voyants. Ça ne fait qu'attirer l'attention et on ne peut pas dire que ça l'amincit, au contraire.

Elle nous embrasse l'un après l'autre, nous pose des questions sur notre semaine. Ça fait à peine cinq minutes qu'elle parle et elle me fatigue déjà. Je ne sais pas comment elle fait pour être aussi excitée en permanence. À quoi elle carbure ? C'est un mystère...

Il ne faut pas longtemps pour voir les derniers débarquer. Ina, Min-Jae et Romane arrivent ensemble, ils discutent d'une demande de subvention auprès de la mairie de Paris. Ina a une nouvelle coiffure, avec des tresses noires très épaisses et très longues. Ça lui change du carré violet foncé qu'elle avait cet été. Comme toujours, elle est vêtue de couleurs sombres, avec un jean bleu marine et des gros bijoux dorés qui brillent sur sa peau noire.

Tant qu'il le Faudra (extrait)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant