Chapitre 1 - La lettre

1 0 0
                                    

Chère Sorcha, cher Wiss,


Cela fait maintenant bien longtemps que nos chemins ne se sont pas croisés, à mon grand dam. Je vous épargne toutes les difficultés que j'ai eues à retrouver votre trace, sans parler de trouver un moyen sûr pour vous contacter. Veuillez excuser mon impolitesse dans cette missive, non pas que je ne souhaite obtenir de vos nouvelles, elles me sont chères, tout autant que celles des miens, mais l'importance de ma demande est d'un ordre supérieur, que je place bien au-delà de toutes autres considérations.

Voilà maintenant quelques mois que j'épie les comptes rendus, que j'analyse la situation dans le Sud de l'Empire et je crois avoir décelé, il y a quelques jours seulement, un funeste projet. Je vous épargne les détails quant à ma nouvelle position au sein de l'administration et aux moyens déployés pour accéder à certaines informations, dont celles-ci.

Le seigneur orcadien, toujours mal accepté par son peuple, s'est récemment rendu dans la capitale pour une entrevue secrète avec l'empereur. Cela ne présage rien de bon et ce ne sont pas mes récentes découvertes qui vont me contredire. Certains rapports de mes confrères d'Arcania font état de plusieurs dizaines de milliers d'hommes se rassemblant, proches de la frontière orcadienne. Mes origines natales et ma curiosité m'ont poussé à porter une attention particulière à cette région à la lumière de ces informations, et depuis lors mon regard n'a de cesse de se porter sur Fronsom. Je crains mes amis qu'une catastrophe s'y prépare et que la population en fasse les frais, cette certitude me gagne et me condamne jour après jour. Mon inaction m'étrille l'estomac et m'empêche de dormir.... Vous le savez tout aussi bien que moi, il y a certaines choses qui ne s'oublient pas, et je me surprends ces dernières nuits à déterrer des racines dont l'emprise sur moi est bien plus forte que mon devoir actuel.

Hélas, mes obligations administratives m'empêchent toute tentative d'intervention, la moindre manœuvre ne saurait se solder que par un échec, dont l'apothéose constituerait ma mise au ban tout au mieux. Faire appel aux services de la guilde me ruinerait davantage et je n'aurai qu'une confiance très relative en son efficacité. J'ai bien peur d'avoir écumé tous les plans possibles et imaginables, vous êtes mon dernier espoir.

J'en fais donc appel à l'amitié qui nous lie, ainsi qu'aux doux souvenirs de nos aventures passées. Entendez-moi bien, je ne souhaite pas que vous preniez part au conflit qui se prépare, ni même que vous tentiez de l'empêcher. Ce qui est conclu ne peut être défait et votre intervention n'y changerait rien, je tiens trop à vous pour une telle folie. Il y a en revanche quelque chose que vous pouvez m'offrir, quelque chose dont je vous crois capable : Sauvez la population !

J'ai cru comprendre que, par chance, vos pérégrinations vous ont emmenés sur les routes de l'Arcania récemment, faites que vous y soyez encore ! Si tel est le cas, j'aimerais que vous étudiiez la situation aux alentours du bastion d'Embrun à la lumière de ces informations. Si vous confirmez mes doutes, il y a ce petit village juste après la frontière Orcadienne à quelques miles au Sud-Ouest de la garnison d'Embrun, allez-y et prévenez la population, persuadez-les d'évacuer la ville ! Je n'ai aucun doute sur le fait que vous soyez en mesure de les convaincre, cette lettre pourra peut-être vous y aider. Je connais personnellement le maire du village, M. Olgret, qui je le sais saura raisonnablement vous écouter. M. le maire, si vous lisez ces mots, fuyez, n'emportez que le strict nécessaire et n'attendez pas, je vous en supplie. Madame Ingals et ses enfants, monsieur Bonprau le menuisier, madame Aubrun la nourrice, tout le monde, dites-leur de partir avant qu'il ne soit trop tard. Organisez les convois au plus vite, peu importe où, pourvu qu'ils n'aillent pas en direction d'Embrun. Je sais que je vous demande l'impossible, mais je vous en conjure, écrivez l'histoire en sauvant les générations futures de Fronsom.

Mes amis, je m'en remets à vous, une nouvelle fois, avec ces quelques mots dont le poids sur mon cœur n'a jamais été aussi lourd . Mes yeux, mes oreilles, tout mon être est rivé sur Embrun et Fronsom, faîtes que vous y parveniez à temps...

Votre vieil ami Scott, intendant impérial de Maubon, attaché à la cité d'Antil, comté de Casqueline


Lex, L'entrée des artistesWhere stories live. Discover now