Prologue

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Jusque-là tout se déroulait comme prévu, pensait le seigneur Taqulim alors qu'il traversait seul les galeries du palais. Après s'être débarrassé des gardes, il passa la majestueuse entrée qui ouvrait sur la salle du trône et s'arrêta net au claquement des portes qui se refermaient dans son dos. Devant lui, d'immenses voûtes le surplombaient, transpercées par des rayons presque divins venu d'un ciel dont il n'avait soupçonné l'éclat en ce jour. Le poids du choc reçu le frappa en plein cœur et, s'il n'en montra rien, il sentit ses tripes remuer comme il l'avait rarement éprouvé jusque-là. Quelle vision ! La splendeur du palais impérial était décrite et même chantée jusqu'aux confins de cette terre, pourtant ces célébrations semblaient bien morne au premier pas posé dans l'enceinte. Une sensation d'ébahissement et d'écrasement l'envahit. Passé le choc, Taqulim commença enfin à prendre la mesure de l'espace qui l'entourait. Les piliers larges comme trois hommes et pourtant d'une finesse sculpturale irréprochable lui faisaient face et dessinaient la voie au trône de la plus belle des manières. Les dalles blondies par le soleil traversant les immenses vitraux de la nef scintillaient de mille feux. Chaque vitrail racontait l'une des batailles fondatrices de l'empire, elles étaient savamment mises en exergue au travers d'une myriade de carreaux pourpre et or qui distinguait les vainqueurs des vaincus. Du travail d'orfèvre. La taille du dôme contrastait complétement avec la hauteur des allées latérales, plus petites et exiguës. Le trône surplombait toute l'assemblée, placé au centre de quatre piliers qui semblaient suspendus dans les airs et dont les extrémités avaient été taillées en trigone. Ils étaient brut mais travaillés, démesurés mais d'une finesse qui saute aux yeux. Ils attiraient instinctivement le visiteur à porter son regard en leur sein. Taqulim dut lever la tête afin de comprendre d'où ils provenaient, la prouesse architecturale qui avait consisté à les faire sortir des hauteurs du dôme le laissait béat. Alors qu'il n'avait qu'à s'élancer, il fut soudainement pris de vertige. La voie menant au trône paraissait onduler, comme sortie de terre. Ce n'est qu'après quelques instants qu'il comprit que les variations de lumière lui jouaient des tours. Il fallait bien l'admettre, ce qui se jouait entre ces murs transcendait les âges et les hommes, et ce n'est pas sa résidence orcadienne qui lui permettrait de rivaliser.

Son dernier voyage dans la capitale de l'Empire ne lui avait pas permis de visiter le palais impérial. Lui et sa congrégation composée des plus riches familles d'Orcadie, n'avaient pas eu de marge de manœuvre malgré les sollicitations extérieures. Leur délégation était restée sous haute surveillance tout le long de leur séjour. L'objet de sa venue était simple, ployer le genou devant son Empereur afin de lui déclarer sa loyauté inconditionnelle. Le peuple et les élites réclamaient la soumission de l'Orcadie et ils l'avaient obtenue. Tout avait été fait pour les humilier. Ils avaient été escortés sur l'avenue Lipudienne, entourés - pour ne pas dire prisonniers - des forces impériales devant une foule de curieux qui n'aurait manqué le spectacle pour rien au monde. Cette traversée lui avait paru interminable, et la voie sur laquelle il s'engageait à présent le ramena à ces instants qu'il souhaitait tant oublier.... Ressasser ce souvenir restait douloureux, presque davantage encore que cette guerre perdue. Taqulim serra les poings et la mâchoire et avança. La suite ne ressemblerait pas à ce jour-là, et, reprenant conscience aux abords du trône, il s'efforça de sourire tant bien que mal. Il avait besoin de garder son sang-froid. Non, rien ne serait plus pareil désormais.

Arrivé au pied du trône depuis lequel l'Empereur le toisait sans gêne, il s'inclina sans attendre.

— Votre Majesté, c'est avec joie que je me présente à nouveau devant vous, déclara-t-il. En tant que citoyen de l'Empire, je vous remercie de l'immense honneur que vous m'accordez.

L'empereur prit le temps de profiter de la situation, un sourire narquois sur les lèvres, avant de lui répondre.

— Taqulim, je vous attendais. Montez je vous prie, élevez-vous au rang qui est le vôtre.

Lex, L'entrée des artistesWhere stories live. Discover now