Au Clair du Jeu

Jour 3 (1)

   Je suis debout avant tout le monde.

   Le soleil est tout juste levé et me caresse doucement le visage. Je n'ai pas beaucoup dormi, réveillée tour à tour par les hurlements des loups et ceux de leurs victimes. Il n'y a pas eu qu'un mort, je l'ai entendu. J'ai passé la nuit enfouie sous mes couettes en tremblant, des larmes de peur coulant sur mes joues brûlantes, et je ne me suis rendormie que bien plus tard. Il y a deux heures, pour être exacte. Le contact du fusil dans mon dos ne m'a pas rassurée au point de me bercer dans le sommeil.

   Tout en me redressant sur le bord du lit, je me questionne : pourquoi n'avons-nous rien entendu la première nuit ? Certains étaient soûles, mais qu'en est-il des autres, dont je faisais partie ? Tom et la jeune fille qui habitait face à moi, Alexia, ont pourtant connu une mort atroce... Les loups les avaient peut-être tués avant de les dévorer. Maintenant que nous sommes au courant de leur présence, ils ne font plus aucun effort pour être discrets.

  À moins qu'ils ne soient en colère et ne veulent se venger de notre perspicacité. Dans ce cas-là, je peux m'avérer chanceuse d'être toujours en vie ce matin.

   Je jette un œil à mon téléphone. Trois messages de mon père me demandent si tout se passe bien, si je me suis fait des amis, et un autre beaucoup plus long me répète au moins trois fois que je leur manque. Au beau milieu du pavé, il a réussi à glisser un « Si tu te sens seule, tu as tes armes » qui me fait sourire.

   Je repose le téléphone sur la table de nuit. J'y répondrai plus tard : nous avons une matinée chargée !

   8H56.

   J'entends les mobile-home s'animer à mesure que les habitants décident de toquer à la porte de leur voisin.

  En parlant de voisin, quelqu'un frappe à ma porte. Je m'y précipite et ouvre à Misslune qui, d'après les cernes sous ses yeux, n'a pas dû dormir beaucoup plus que moi.

-Prête ? Me demande-t-elle.

-Ouais, tranquille.

   Mon cœur bat la chamade et mon estomac fait le grand 8, mais on va faire avec. Allez Immo, tu peux le faire ! Maintenant que tu vis une aventure digne de ce nom, jette-toi corps et âme ! Sois courageuse. Sois forte. Sois celle que tu as toujours rêvé d'être et fais tes preuves.

   Les premiers pleurs retentissent dans le bungalow précédant celui de Misslune. Nous nous élançons donc à l'opposé, en direction de la mairie, et croisons le maire à l'entrée de celle-ci. Mon côté débile finie doit lutter contre la gêne de voir un garçon en boxer.

-Il y a une victime dans le bungalow japonais, côté est ! Je halète.

-Aucune autre victime ?

   Nous l'accompagnons à la porte. Nous ne l'avions pas refermée et, soulagée, je découvre que Nora a fini par arriver, rouge rubis. Cyril, Emma, William et Mike ne se font pas attendre non plus et se plient en deux, essoufflés par leur course.

-Bungalow fleuri côté ouest, ajoute Nora.

   Kévin n'en attend pas plus pour courir au dehors. Les autres s'écartent le temps de le laisser passer.

-Faut qu'on se disperse, sinon c'est cramé, grimace Mike.

-Immona et Nora, vous faites ce qui est prévu, commande William. Cyril et Emma, vous vous postez autour de la mairie pour prévoir les arrivées. Mike et Misslune, suivez-moi. Nous allons surveiller la progression de Kévin, et dès qu'il décide de revenir, Mike, tu cours ici pour prévenir les filles.