- 1.2 - La passerelle (version explicite)

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*** Contenu sexuel explicite ***

Je me suis séparé de Samuel au vestiaire, je ne tenais absolument pas que l'on soit vus ensemble. Non pas, évidemment, que j'étais mal à l'aise de me montrer avec lui. Assurément l'on aurait fait des remarques, quitte à encore salir mon image et à profiter de mon homosexualité pour m'atteindre. Plus aucun de ces stratagèmes ne fonctionne sur moi désormais. J'assume qui je suis, je n'ai pas honte. Et que les mécontents restent dans leur haine.

Pour autant, je sais parfaitement que je ne suis pas le bienvenu au commissariat. En tout cas, je l'imagine. Il doit rester, encore, quelques anciens collègues, ceux qui n'ont pas hésité à me lâcher au milieu des fauves pour que je craque. Ceux-là même qui n'ont pas reculé quand il s'est agi de mentir sur moi. Ceux-là, toujours, qui ont osé me regarder dans les yeux et me dire qu'ils n'avaient pas d'autres choix. Je n'étais clairement pas dans le bon clan il y a six ans. Je doute que leur opinion ait changé. Alors inutile de précipiter Samuel avec moi.

A peine poussée la porte de l'Hôtel de Police, je monte directement au quatrième et dernier étage. Je ne tiens vraiment pas à croiser qui que ce soit, et je risque d'arriver en retard. Arrivé, je n'ai strictement rien reconnu. Tout avait changé, sauf ce long couloir et la passerelle. L'Hôtel de Police est toujours connecté au Palais de Justice par ce tas de ferraille. J'ai toujours détesté le traverser. Même si je ne peux m'empêcher de repenser, soudainement, à un joli moment passé ici.

C'était quelques mois après être arrivé au commissariat, je venais de prendre la déposition d'un entrepreneur qui estimait avoir été escroqué par son banquier. Ce dernier avait été une ordure, mais avait un réseau tel que seule la Police Judiciaire avait accepté de prendre sa plainte. Une heure à taper sur un clavier, comme une machine. En réalité, j'étais très loin de mon bureau.

Je me souviens de son prénom, Benjamin. Il n'était pas très beau. En tout cas, il n'avait rien de spécial, rien qui aurait pu me faire craquer. Mais il dégageait une sorte de parfum incroyable. Quand il s'agitait sur sa chaise, essayant désespérément de me faire comprendre combien la banque l'avait trompé, il ne faisait que répandre une senteur de plus en plus forte. Il avait beau avoir passé sa journée dans les méandres du commissariat qu'il n'avait pas transpiré. Au contraire, sa peau semblait laisser échapper une émanation sucrée, subtile, dont je me serais drogué.

Au moment de signer la déposition, quand je suis passé de son côté, j'ai cru qu'il venait de verser sur moi tout un flacon de son arôme. En une heure il avait fait de moi un camé tel que ceux que je traquais. Il souriait en permanence. Epuisé, peut-être même agacé par une administration qui ne le croyait pas, il ne cessait jamais de sourire. Lorsqu'il s'est penché pour récupérer son sac et enfin quitter l'enfer de sa journée, j'ai osé placer mon bras entre les deux et ressentir sa main saisir malgré elle ma propre main.

Pour moi, qui avais tout juste accepté l'idée d'être gay, c'était déjà un effort surhumain. Je déteste que l'on me touche, je dois être l'initiateur des contacts. J'ai failli la retirer, tant la pression que je ressentais était forte. J'ai tenu, sans doute groggy par les effluves qu'il ne régulait pas et qu'il m'envoyait directement dans les narines.

En touchant ma main, il n'a pas cherché à dévier ou à l'esquiver. Il m'a empoigné avec force, mais subtilité. Ses doigts n'ont pas fait que serrer ma main, ils se sont mis à doucement bouger, à lentement me caresser. De quelques millimètres bien sûr, mais ces millimètres venaient compléter l'expérience hallucinante que je vivais.

Son sourire était décuplé, son parfum m'entourait et maintenant sa main courrait sur mon bras. Je l'ai regardé dans les yeux, et j'ai lu dans les siens une dissonance incroyable. Si moi j'étais sûr de mon désir pour lui, je percevais chez lui une envie fougueuse et, en même temps, une retenue. Tout ceci n'a duré peut-être qu'une seconde, mais ce fut assez pour que tout se grave dans ma mémoire.

Hommes de Loi (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant