Tapi dans les ténèbres

La première nuit : ne présage rien de bon

"There's something in the wind
I can feel it blowing in
It's coming in softly
On the wings of a bomb..."

Sa voix est tout simplement parfaite pour mon âme. Ma très chère Elizabeth, si tu savais à quel point tes chansons me font vibrer, à quel point tes textes me parlent, à quel point toi tu as changé ma vie. Surtout dans cet endroit sordide, ta voix me fait oublier l'étrange aura que cette maison dégage. Et dire que personne ne s'en rend compte ou juste qu'ils s'en foutent complètement.

Je suis presque soulagé de dormir à côté de ma petite sœur. Mes parents sont dans le lit voisin. Comme toujours, les ronflements de mon père m'empêchent de dormir. Bien que je mette le volume de la chanson à fond, rien n'y fait. La cacophonie sortant de sa bouche est sans nom. Je me demande comment elles, maman et Mia, font pour trouver sommeil avec un bruit pareil. Pour maman, je comprendrai que c'est devenu une berceuse au fil du temps. Il est vrai que l'amour rend aveugle... et sourd parfois.

J'étais fatigué de dormir sur le côté, je me suis donc retourné doucement pour dormir sur le dos. Il ne faut pas non plus que je réveille Mia ! Un ronflement me suffit amplement, pas besoin de pleurnichement de fillette.

En regardant le plafond, je me suis remémoré la journée. Je vois notre départ, la serveuse, la robe fleurie de Lorie et Mia. Elle est tellement bizarre depuis qu'on est arrivé ici...

Mes yeux se baladaient dans toute la pièce en quête de réponse à mes divagations sans fin quand le coin de mon œil gauche vit soudain une ombre furtive à travers la fenêtre, qui se trouvait juste au bout de la pièce.

- Faites que ce soit juste mon imagination ! Dis-je en hésitant de tourner ma tête vers la direction de la fenêtre. J'ai eu ma dose de terreur pour aujourd'hui !

La curiosité a encore emporté et je ne saurais décrire la sensation qui parcourut tout mon corps. C'est dans ces cas là que l'on n'a pas envie d'avoir raison.

- Nom de Dieu ! C'est quoi ça ? Fis-je intérieurement.

Comme pétrifié, je n'arrivais plus à détacher mon regard de la fenêtre. Une ombre se tortillait dehors, à travers le rideau blanc voilé. Je n'arrive pas à donner une forme à l'ombre, mais j'ai comme le pressentiment qu'elle essaye d'entrer. J'entends mon cœur qui tambourine et ne semble plus vouloir s'arrêter. Soudain, l'ombre se figea et je sens qu'elle m'observe.

Je transpire de terreur, et je pense n'avoir jamais ressenti rien de pareil de ma vie. Ce schéma incompréhensible va au-delà de tous les films et livres d'horreur qui me faisaient vibrer autrefois.

Je n'arrive ni à bouger, ni à parler. Je voulais appeler ma maman, mais aucun son ne sortait de ma bouche. Me voilà cloué dans le lit, voué à observer cette ombre et à attendre le sort qu'elle me réserve. C'est comme les fois où j'étais atteint de la paralysie du sommeil, mais cette fois-ci j'ai les yeux bien ouverts et je sais que je ne rêve pas. Alors, cela doit être plus facile non ? De me libérer de cette pétrification, je sais que je peux y arriver.

En rassemblant toute la force qu'il me restait, j'ai enfin pu bouger mes doigts puis mes deux mains. L'ombre est toujours là, figé, plus aucun mouvement. J'allume vite la torche de mon portable pour illuminer la pièce qui nous servait de chambre à coucher. Mia semble dormir profondément à côté de moi, j'allais la réveiller, mais que peut-elle bien faire face à cette menace ; si c'est bien une menace. Je décide alors de réveiller mon père. Je jette des coups d'œil furtifs en direction de la fenêtre tout en descendant du lit.

Une fois débout par terre, je me retourne vers Mia et à ma grande frayeur elle avait les yeux grand ouverts.

- Mia ! Criai-je

- Mia ! Tu vas bien ? Je me suis rapproché d'elle et nos yeux se croisèrent. J'ai vu dans son regard qu'elle aussi, elle était morte de peur.

Je la secoue en appelant son nom doucement. Mia ! Mia ! Mais elle ne bougea point. Ma voix commence à s'élever et quand la lumière de la veilleuse parcourait la pièce, je me suis aperçu que j'étais en train de crier.

C'était ma mère, réveillée par mes cris.

- Mais qu'est ce qu'il se passe ? Qu'est-ce que vous faites les enfants ?  

(à suivre)