EMI

Chapitre 33

Après que Cabe soit parti, j'ai attendu quelques minutes le temps de me calmer, et je suis sortie moi aussi. Ma décision est prise cette fois-ci. Plus rien ne me retient dans cet endroit. J'ai eu beau faire de mon mieux pour essayer de me sentir comme si j'avais ma place, de me sentir comme dans un nouveau chez moi. Mais le temps est passé, pratiquement 1 an depuis que je suis arrivée ici et au lieu de me sentir de mieux en mieux, je me suis sentie de plus en plus aliénée. 

Mon sac était déjà complètement fait depuis quelques semaines, ainsi qu'une lettre d'adieu aux Marshall. Je les ai sorti de sous mon lit et suis sortie discrètement de la maison. Arrivée à la gare routière, j'ai demandé le premier bus qu'ils avaient pour l'endroit le plus éloigné possible. On m'a répondu qu'il n'y en aurait un que demain matin vers 6h, en direction de Columbus en Ohio et que le trajet durerait plusieurs jours avec des escales. J'ai réservé un ticket et suis rentrée. 

J'ai remis mon sac et la lettre dans mon lit et me suis posée dans le salon avec Kenny. C'était quelqu'un de bien et je voulais passer un peu de temps avec lui avant de partir. Nous avons joué aux jeux vidéos une bonne partie de la nuit sans forcément parler de choses importantes, il ne m'a même pas posé de question sur ce qu'il s'était passé avec Cabe et je lui en était reconnaissante. Nous sommes resté à joué pendant des heures, jusqu'au moment où nous étions trop fatigués pour appuyer sur les bonnes touches. Lorsqu'il a éteint la console, il s'est retourné vers moi avec un regard inquiet.

"Tu vas bien? Je ne veux pas me mêler de tes affaires mais il y a quelques jours tu étais littéralement sur Cabe et tout à l'heure je vous ai entendu vous crier dessus et après il est parti et toi aussi."

"Ne t'en fais pas, tout va bien. C'était un truc stupide mais demain on se reparlera, c'est toujours comme ça." j'ai rigolé.

Il n'y avait aucune utilité à lui mentir, étant donné qu'il ne me reverrait jamais après ce soir mais je ne voulais pas qu'il s'inquiète. Je ne voulais pas qu'il soupçonne quoi que ce soit non plus et que mon "évasion" ne foire.

"D'accord dans ce cas, j'espère que ça s'arrangera vite. Je vous trouve vraiment mignons tous les deux." 

J'ai rigolé malgré le fait que je sentais comme une pointe dans ma poitrine et nous nous sommes dis bonsoir. Je lui ai dit adieu. Je suis montée dans ma chambre et me suis couchée... Mais je n'ai pas dormi. Je suis restée toute la nuit à me retourner dans mon lit, à me demander si c'était une bonne idée, si j'y avais assez réfléchi, comment j'allais m'en sortir... L'appréhension commençait à monter en flèche et j'ai failli abandonner. Mais j'ai repensé à cette dernière année, à ce qui m'attendait si je restais ici. Je n'aurais pas eu la vie que je veux. On m'aurait sûrement envoyé dans une université privée et on aurait essayé de me forcer à faire des études prestigieuses et à adopter un mode de vie qui ne me convient pas. Je sais que les Marshall veulent ce qu'ils pensent être le mieux pour moi. Mais si je reste ici, je pourrirais. Je n'ai pas le choix. 

Dans un sens, j'étais maintenant heureuse que Cabe se soit comporté comme ça. Autrement, j'aurais sûrement essayé de rester, et j'aurais été plus que malheureuse, même si je n'aurais pas été seule.

***

Après plusieurs heures à penser et à ne pas trouver le sommeil, mon alarme se met à sonner. Il est 5h, mon bus passe à 6h. Je prends une grande inspiration et sors de mon lit, prends mon sac, déplie ma lettre et la pose sur mon lit et m'habille. Je laisse mon téléphone et prends mon vieux mp3 pour que l'on ne puisse pas me contacter mais que je puisse garder ma musique. J'enfile mes chaussures et ma veste et descends discrètement jusqu'à l'entrée. La gigantesque maison est complètement silencieuse, tout le monde dort encore et personne ne se doute qu'une personne en moins peuplera cet endroit.