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26/03/17
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Sonya me tendit le papier et je lui arrachais presque des mains, ce qui lui fit hausser les sourcils.

« Dessine-moi un monstre. »

     me confia le post-it.

— C'est flippant, trouva Sonya.

— Oui...

Je le lirai sûrement quand j'aurais fini celui de Jorge Corredor.

La fin de la journée se déroula dans le silence et la glande. J'avais lancé ma playlist Deezer special lecture qui résonnait faiblement dans ma chambre. Parfois, quand je me levai pour boire un jus de fruit dans la cuisine, je pouvais entendre les touches du clavier de mon père tapoter très vite, sans relâche. Puis quand je revenais dans ma chambre, c'était de nouveau calme.

Ma mère ne rentra pas tard, seulement vers les dix-sept heures et elle avait continué de ranger un peu. Nous nous étions tous presque confortablement installés dans ce nouvel appartement, où vingts ans auparavant avait été commis le crime d'une famille entière. Quand je me rappelais de ça, je frissonnais et ne me sentais plus à l'aise. J'avais la vague impression de squatter chez quelqu'un, j'avais l'impression de ne pas être chez moi.

Je lis le livre de l'enquêteur toute l'après-midi. C'était un assez gros pavé qui contait l'histoire de comment la police avait été appelé en panique par le voisinage, en passant par les plus fins détails de l'enquête à comment tout s'était terminé brutalement, du jour au lendemain.
Enfin... Pour la fin c'était ma propre théorie, je ne l'avais pas encore lue. Mais un fort pressentiment me mettait sur la voie que je n'étais pas loin du but et que tout s'était vraiment mal fini. Pour tout le monde, sauf les criminels.

D'ailleurs, je retins la toute première phrase du livre. Je ne la compris pas de suite, et encore aujourd'hui il m'arrive de me questionner sur son sens. « Le dernier train ne voit jamais la lumière. » avait commencé Jorge Corredor. « Je suppose que mon arrêt n'était plus desservi. » avait-il continué avant de raconter le début de l'enquête.

Alors que je me questionnais toujours sur cet incipit, ma mère m'appela pour passer à table. Un menu vide et pas très ragoûtant. Mais sain et bon pour la santé. Le dîner se fit dans un silence de plomb. Un silence de pierre. Je finis ma salade, aidai à débarrasser et j'hésitai à prendre un fruit dans la corbeille à cet effet. Je repensai à Thomas et à sa tragique histoire quand je vis les clémentines. Je pris finalement une pomme verte et personne d'autre ne voulait de fruits. Alors, je repartis dans ma chambre aussi vite que j'en étais sorti. Toujours aucune nouvelle de Thomas, d'ailleurs. J'avais parfois l'impression d'être observé mais je me persuadais que ce n'était que de la superstition.

Une petite partie de moi voulait qu'il revienne pour que je lui pose mes questions auxquelles il ne saurait pas répondre. Une petite partie de moi voulait croire aux entités et à toutes ces choses-là. Une petite partie de moi voulait qu'il hante réellement ces lieux et qu'il ne soit pas juste dans ma tête.

Je partis me coucher et j'avais lu un bon quart du livre de l'enquêteur. Sonya n'était pas revenue me parler et tout était toujours silencieux.

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27/03/2018
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Je m'éveillai doucement suite à un rayon de soleil trop blanc qui avait percé le noir de mes paupières. Je baillai et regardai un peu partout dans ma chambre et sinon le soleil qui décorait les murs, j'étais bel et bien seul. Je me levai mollement et trainai un peu des pieds jusqu'à la cuisine. Mon père tapotait sur son clavier et ma mère avait laissé une note sur la table comme quoi elle était partie dans le centre-ville. Sonya devait toujours dormir, il était dix-heures à peine et on était samedi.

99Où les histoires vivent. Découvrez maintenant