Daniel

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Daniel Sigh est un homme perspicace, la plupart du temps enjoué, toujours près à rendre service, fidèle et gentil, attentionné et compréhensif, quoiqu'un peu boudeur, il tient toujours ses promesses, et lorsqu'il a une idée en tête, personne ne l'arrête.
C'est quelqu'un de bien, avec son petit caractère.

La plupart du temps, Daniel adore les surprises.
Cela fait seulement deux ans que je travaille avec lui, et pourtant c'est comme si je l'avais toujours connu.
La première année, en mai, je lui ai fait une surprise pour ses vingt-trois ans.
Je me remémore encore sa tête, coincée entre l'attendrissement et l'euphorie.

Je lui ai offert un chaton.

« - Angèle, je n'arrive pas à y croire ! Il est adorable, s'émerveillait-il.
- Si vous pourriez voir votre tête, Monsieur, je rigolais à pleins poumons devant son air tout attendri.
- Combien de fois je t'ai répété, Angèle, de me tutoyer ?
- Je le ne les compte plus, mais c'est la première fois que vous me le dîtes calmement, et cette fois je ne pouvais plus m'arrêter de rire, tant le chaton l'obsitinait. »

Daniel ne m'avait pas paru chaleureux aux premiers abords. Mais, comme on dit, la première impression n'est jamais la bonne.
Il me faisait penser à Doctor House.
Mais je ne crois pas qu'il ai été un jour fan de ce personnage.

J'ai appris que, lui, c'est plus Grey's Anatomy son style de série. Je l'ai surpris une fois dans son bureau en train d'en regarder un épisode. Il était tout gêné.

Donc au début, il était très sec, me parlait froidement, comme si il testait mon aptitude à le supporter ou à ne pas flancher devant ses remarques acerbes.

Puis un jour où je me sentais bien inutile, traînant la patte à faire quelque chose d'aussi inutile que moi, j'avais griffonné quelques dessins que j'ai par la suite jetés, au moment où quelqu'un entrait. Il est arrivé et m'a demandé pourquoi le thé et les papiers mettaient autant de temps à arriver.
Il a coulé un regard sur moi, qui essayais d'avoir l'air le plus innocent possible, puis un autre regard sur la poubelle.

« - Vous pouvez disposer Angélique. »
Je suis sortie, honteuse et sûrement rouge comme une pivoine. Je m'étais dis qu'il allait certainement regarder mes dessins, trouver ça ignoble, puis se dirait que je suis incapable de faire du thé et donc me renvoyer.

Il m'a rappelé dix minutes plus tard dans son bureau.
Je suis arrivée, toute penaude.
- Asseyez vous.
Grand silence.
- J'ai adoré vos dessins. Pourquoi vous n'êtes pas dans une école d'Art ?
- C'est personnel.
- Je n'ai vraiment pas été tendre avec vous. Mais dans votre travail actuel, vous êtes parfaite, mais absolument pas faite pour ça.

J'observais son bureau. C'était la première fois que j'y restais aussi longtemps. Il y avait autour : un grand calendrier, qui affichait le mois de février, et des papiers éparpillés partout. Une odeur subtile de cigarette flottait dans l'air. Hors du chaos des feuilles de son bureau se tenait une photo, de lui, tout sourire, un bras autour de la taille d'une magnifique jeune femme rousse, qui, même à moi, m'a fait un effet au premier regard.
J'ai l'ai revue sur un magazine de "Elle" quelques mois plus tard.

- J'adore l'art. Sous toutes ses formes. Peindre et dessiner, sculpter et écrire. Et puis tout ce qui va avec.
- ... Et ?
- J'adore vos dessins. Vous avez suivi des cours ?
- Jamais.
- Vous êtes douée.
- Merci. »

Il y eut un grand malaise. Je tentais de lui parler aussi sèchement que lui pendant mes six premiers mois dans l'agence.
Et au fond, je savais qu'il l'avait bien deviné.

C'est sûrement pour ça qu'il m'a sourit.
La première fois que je l'ai vu sourire. Un vrai sourire.
C'est à partir de là qu' "Angèle" est apparue.

« - Angèle, viens voir pour ce dossier. Ça m'a l'air intéressant et je pense que je pourrais compter sur toi pour m'épauler, il se retourne pour me regarder dans les yeux, ça ne te dérange pas que je tutoie et t'appelle Angèle, c'est plus court... ? Loin de là mon idée de te prendre pour un ange, il sourit. »

C'était notre premier dossier. Lui en avait résolu des tas d'autres, moi jamais. Et ensemble se réunissaient une légère expérience et de la nouveauté, un autre point de vue que le sien.
Cette affaire était celle d'une migrante qui avait passé un an à attendre en France, qui plaidait sa cause comme tant d'autres, pour du travail à plein et un toit. C'était Ann.

Pendant deux mois, j'ai tenté tant bien que mal de trouver d'abord un endroit où elle pouvait coucher.
Et plus les jours s'écoulaient, plus, chaque soir, je l'imaginais attendre dans l'espoir de revivre normalement. Et j'en pleurais. J'étais coupable de ne pas, en un claquement de doigt, lui trouver tout ce qu'elle voulait.

« - Tu vas y arriver, me soufflait Luc, me voyant pleurer toutes les larmes de mon corps. Tu vas trouver une solution.»
C'était à ce moment là qu'il m'enveloppait de ses grands bras, pour me serrer contre lui. Je m'endormais en reniflant comme une enfant.

Luc et moi, on s'est toujours connus. Ça n'était jamais plus qu'une amitié entre nous, jusqu'à mes seize ans, où nous nous sommes rapprochés et plus quittés.
Je n'envisageais pas de finir ma vie avec lui...
Lui, je ne l'ai jamais su.
À vrai dire, nos parents se sont toujours connus.
« - Que vous êtes beaux, tout les deux ! disait ma mère, en extase devant nous, à la soirée qu'elle avait organisé pour fêter le fait que nous étions diplômés.
- Tu as raison ma chérie. Ils forment un très beau couple, mon père s'y mettait.»
Les parents de Luc renchérirent eux aussi joyeusement.

Je n'ai jamais su comment, mais, du jour au lendemain, je me suis retrouvée à emménager avec lui.
Je ne me le suis jamais dis, mais je crois qu'il y a eu une pression de la part de nos parents.
Mon avenir a toujours été tout tracé.
À moi de faire des courbes.

Un jour, le genre de jour où je perdais tout espoir pour cette jeune femme, je suis allée voir Daniel.
« - Je suis incapable de trouver quelque chose de décent pour cette fille.
- Je suis sure qu'une solution simple s'offre à toi, c'est juste que tu te complique tout. »

Je suis repartie ce soir-là exténuée.
Luc m'avait préparée une soirée détente, sachant très bien toute cette pression que je me mettais.
« - Ton patron, hum Daniel je crois, il vit seul ?
- Je crois bien oui.
- Tu n'as jamais pensé que ce mec n'avait pas qu'une seule chambre chez lui ?
- Pourquoi pas. Mais si ça se passait mal ? murmurais-je.
- Il n'a pas l'air méchant.
-  Tu ne le connais pas. Et puis Hitler aussi n'avait pas l'air méchant.
- Donc il est méchant ? disait-il, un magnifique sourire aux lèvres.
- Non. Non, je m'étais aussi mise à sourire. »

Le lendemain, j'ai décider de tracer un trait sur cette histoire. Je voulais qu'elle soit heureuse au plus vite.
« - La prendriez vous chez vous ?
Daniel mit un instant a comprendre. Il souriait.
- Aucun problème. Vous avez enfin compris. »

Elle voulait devenir quelqu'un d'autre. Pas une étrangère qu'on regardait avec dédain, dégoût ou même pitié.
Elle voulais être une anglaise.
Je l'ai appelée Ann.
Elle a adoré.
Pour la première fois de ma vie, j'ai eu cette impression de fierté que j'avais le droit de m'accorder.
Ce fut ma première courbe sur mon destin monotone.

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