Livre 4: Lithlaris - Chapitre 6

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Kyoshi flottait.

Là encore, ce n'était pas une image : son corps dénudé se tenait dans une position semi-allongée, quelques centimètres au-dessus d'une couche traditionnelle. L'air était doux et sec, avec une pointe épicée qu'elle était bien en peine de reconnaître.

Elle tenta de tendre le bras et aucune contrainte ne le retint – à part peut-être sa propre force physique, qui semblait comme atténuée. Elle tenta de lancer doucement sa perception autour d'elle et elle rencontra très vite l'esprit de Daeithil. L'eylwen était assise tout près d'elle, comme assoupie, mais son simple contact mental la tira de sa torpeur.

**Lensil mon aimée.**

**Lensil belle amante.**

Kyoshi ouvrit les yeux pour se perdre dans ceux de sa compagne.

***

Malgré les protestations de Vydar Ergaren, l'ataneylda chef de la sécurité du Lithlaris, et de tout le personnel médical présent, Daeithil avait insisté pour enrouler le corps à demi-conscient de la Terrienne dans un drap et l'embarquer elle-même vers la Maison de soins du bord.

Non qu'elle n'ait pas confiance dans les techniques médicales terriennes, mais d'une part, elle se doutait que le trio qu'elle avait – assez cruellement, il faut le dire – mis à mal allait également s'y retrouver et, d'autre part, elle voulait pouvoir rester auprès d'elle, ce qui serait plus facile à faire admettre à un médecin des corps de culture eyldarin qu'à des soignants terriens.

Arko était resté pour gérer les « complications administratives », comme il l'avait exprimé sur un ton qui trahissait une longue habitude de ce genre de situation. Elle se promit de trouver un moyen de lui signifier sa reconnaissance ; le rowaan lui rappelait beaucoup les mercenaires qui composaient son entourage à l'époque de ses errances sur Erdorin – puis, pour certains, sa cour par la suite – et il combinait une réelle efficacité dans les phases d'action avec un caractère plutôt avenant et accessible.

Daeithil n'avait pas toujours été reine et, la plupart du temps, elle préférait quand on ne la traitait pas comme telle. Le statut avait parfois ses avantages, mais le plus souvent c'était juste une couche de complexité frustrante, car superflue.

Encore que, dans le cas présent, la présentation de son sceau holographique lui avait ouvert grand les portes de la Maison de soins et lui avait assuré la collaboration pleine et entière du personnel. Ces derniers avaient d'ailleurs affiché une impressionnante galerie de grimaces sincères au vu de l'étendue des dégâts. Un examen rapide n'indiqua cependant que peu de blessures réellement importantes : les zones les plus touchées étaient le bas du dos de Kyoshi, ses fesses et l'arrière de ses cuisses, qui avaient subi l'explosion du chevalet de torture. Ça, plus la quantité impressionnante de psychotropes divers qui saturaient son organisme.

Au milieu de toute cette agitation, Daeithil enregistra du coin de l'œil le départ de Kerwir et Wayran, qui s'éclipsèrent discrètement en essayant de ne pas croiser son regard.

***

Daeithil se leva et prit doucement la main de Kyoshi. Elle aussi était nue, comme il était de coutume dans les Maisons de soin ; en y entrant, on laissait ses vêtements à l'extérieur avant de passer un « rideau d'eau » désinfectant.

— Kyoshi, dis-moi que cette barbarie n'est pas une pratique normale dans ta culture...

La Terrienne rit doucement, portant les doigts de son amante vers ses lèvres pour les embrasser.

Erdorin, Chroniques de l'Arbre-monde - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant