Eagleside

Prologue partie 1: 17 ans plus tôt

Sa gorge se serra encore plus, si cela était seulement possible. Ce soir allait faire basculer sa vie, pour le meilleur ou pour le pire.

Elle était partie une semaine à Sydney avec son mari afin de pouvoir dignement célébrer leur premier anniversaire de mariage le lendemain. Elle se rappelait du moindre détail de la cérémonie, qui s'était déroulée à Boston. Les invités assis au premier rang qui souriaient, si émus que des larmes perlaient sur leurs joues, tandis qu' elle était entrée dans l'église et qu'ils avaient prononcé leurs vœux. Leur première danse en tant que mari et femme. Le discours du prêtre sur l'importance de la communication et de l'ouverture aux autres, discours qu' ils avaient eux-mêmes choisi. Le gâteau, aussi gigantesque que délicieux, point de rencontre au milieu d'une soirée exceptionnelle. Elle mesura une nouvelle fois toute sa chance d'être tombée amoureuse d'un homme de sa vie soit accueillant et ouvert d'esprit. Ce soir plus que jamais, il allait devoir démontrer ces qualités.

La lumière de la chambre éclairait le lit double dans lequel l'homme, à moitié allongé, la regardait avec un amour inconditionnel. Elle pouvait le voir à travers l'entrebâillement de la porte de la salle de bain, d'où elle se tenait. En le regardant, son cœur battit la chamade. Cet homme lui avait toujours fait cet effet-là, depuis leur première rencontre quatre ans plus tôt sur le Malecon, à la Havane. Mais ce soir, et comme il y a un an exactement, il n'était pas l'unique raison pour laquelle son sang pulsait si fort dans ses veines.

Un an exactement s'était écoulé depuis qu'elle lui avait révélé son plus grand secret, le secret de sa vie. Un an qu'elle avait accompli l'acte qui, pour son couple, valait bien plus qu'un simple mariage. Bien que dicté par la flamme ardente qu'elle ressentait envers lui, il pouvait coûter la vie de son mari. Elle le savait parfaitement mais voulait qu'il l'épouse en toute connaissance de cause. Le souvenir de son angoisse incommensurable, de la manière dont sa gorge, sa poitrine toute entière en réalité, s'était comprimée lui revint. Son corps se tendit à nouveau. Une fois de plus, les termes de la loi revinrent la hanter avec force: "La personne avec qui vous partagerez votre existence, l'amour de votre vie, sera la seule qui pourra légitimement prétendre à ce savoir dont vous disposez. Cet amour sera l'unique détenteur de cette information, peu importe ce qu'il advient, et il ne devra rien révéler, sous peine de mort."

Heureusement, et son pouls s'emballa un peu plus encore à cette pensée, l'homme qu'elle aimait, l'homme que son cœur avait choisi pour partager avec lui le secret de son existence, n'avait pas hésité une fraction de seconde en découvrant la vérité. Ils n'en avaient jamais reparlé depuis lors. Non que le sujet soit tabou mais bien parce que cette réalité leur semblait si abstraite! Son mari n'en savait, n'en comprenait rien, et elle-même n'était que très peu impactée. Malgré tout, il s'était engagé ce soir-là. Et aujourd'hui, leur couple risquait de nouveau d'imploser. Car ils n'étaient plus deux... et qu'elle ne pouvait se résoudre à lui cacher plus longtemps. Ni continuer à redouter le moment où elle devrait le lui dire.
A nouveau, elle souleva son chemisier pour regarder son ventre ballonné. Elle n'avait pas eu ses règles depuis deux mois. Ils voulaient tous deux que ce cadeau leur soit donné mais, à présent, son mari remplirait-il les conditions? Parviendrait-il à rester auprès d'elle ou partirait-il, trop effrayé? Allait-elle être obligée d'élever seule son bébé.... et de vivre esseulée jusqu'à la fin de sa vie? Elle ne supporterait pas de partager le quotidien de quelqu'un en lui cachant un élément aussi primordial de sa vie, d'autant que cela compliquerait grandement l'éducation qu'ils devraient prodiguer à son enfant. Elle ravala une bouffée de pure angoisse ainsi que les pleurs qui menaçaient d'ébranler son corps tout entier. A nouveau, elle voulut remettre cet instant déterminant à plus tard. Mais elle ne pouvait pas le lui cacher plus longtemps. Cela serait cruel et, de toute manière, elle avait besoin de savoir.