La femme

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Depuis plusieurs semaines les deux frères jumeaux ne s’entendaient plus. Alessandro était revenu après son voyage en France, et il était insupportable, parlant des femmes de Paris, de ses théâtres, de cette vie pleine de joie mais également de vice. Leur père l’avait renvoyé dans sa chambre après l’avoir traité de dévergondé au vil visage qu’il ne désirait plus voir. Chaque fois qu’il évoquait Paris il s’attirait le courroux de leur père mais également le mépris de ses frères. Leur sœur étant partie pour se préparer à épouser un jeune noble à qui elle était promise ne put jouir de ce triste spectacle. Mais celui qui trouvait ce spectacle détestable c’était Lorenzo qui était parvenu à faire le mariage qu’il espérait, et qui craignait que son frère par ses agissements n’attire la disgrâce sur son nom, lui qui aspirait tant à venir à la cour, à participer à la politique du pays. Mais là n’était pas tout, car les deux frères semblaient sur le point de se déchirer à chaque instant où ils se croisaient depuis peu de temps. Isobel leur mère s’en inquiétait mais leur père ne voulu guère intervenir disant que c’était des jeux auxquels les frères s’adonnent par moments.

Le fait est que depuis son retour au palais familial, Lorenzo passait toutes ses après-midi en galante compagnie. C’est une chose habituelle pour un mari de prendre une maîtresse mais son mariage était si récent qu’il valait mieux que cette relation reste de la simple amitié. Et c’était bien à quoi entendait se vouer le jeune homme. Sa galante compagnie était une jeune fille, âgée de 17 ans à peine, d’une beauté fragile à la peau aussi pâle que la mort, que son père avait accueillit étant un ami du père de la jeune fille. Cette dernière malade attendait la venue du médecin de la famille. Lorenzo disait que la compagnie de la jeune Camille était plaisante, et évoquait la fraîcheur d’une amitié naissante, mais il ne trompait personne. Serviteur comme invités de la famille, tout le monde voyait avec quelle ferveur il évoquait la jeune femme, combien il paraissait inquiet lorsqu’elle restait cloîtré dans sa chambre parce qu’elle était prise de faiblesse. Le fait est que la demoiselle possédait un certain charme et qu’il semblait opéré avec force sur le jeune homme. Rien de ce qu’il aurait pu faire ne pouvait enlever l’image de la douce Camille de ses pensées. Mais il pouvait se contenter de l’aimer dans son esprit, se contenter de l’aimer en la regardant, sans toucher à sa vertu ni mettre en péril son mariage. Il aurait pu s’en contenter longtemps si son frère n’était pas revenu.

C’était une nuit ordinaire, sans doute plus douce car le printemps revenait laissant les flocons de neige disparaître au profit des délicates fleurs s’ouvrant aux rayons du soleil pour se gorger d’un parfum somptueux se répandant encore une fois la nuit tombée. Alessandro se baladait dans le parc du palais en marchant d’un pas incertain troublé par l’alcool qu’il avait ingurgité. Il semblait agité, chose qui n’était guère étonnante puisqu’il venait une fois encore de se disputer avec son père. Dans ses pensées sombres, il songeait à Paris, à ces femmes dont il avait goûté la chair, à ces théâtres où il avait admiré les talents de ces comédiens, et espéré de tout son cœur être à leur place, et troublé par toute cette agitation mentale, il n’avait pas vu une frêle silhouette blanche ouvrir les portes fenêtres et se glisser dans le parc. Aussi fut-il surpris lorsqu’apparu une jeune fille aux traits doux et fins et au teint pâle devant lui. Il avait vu de loin la demoiselle, savait que c’était la fille d’un ami de père, connaissait même son prénom mais ignorait son nom ni la durée de sa présence parmi eux. Elle était magnifique sous l’éclat de la lune, une beauté délicate, et il fut éblouit durant quelques instants. Doucement elle s’approcha de lui, il resta cloué au sol, incapable de bouger, comme en transe devant cette beauté qui dépassait son imagination. Délicatement, elle caressa son visage, s’approchant un peu plus de lui, et l’embrassa délicatement sur les lèvres. Le jeune homme fut bouleverser plus qu’il ne l’aurait songé par ce baiser qui le troubla jusqu’à la moindre de ses pensées et durant quelques instants il songea qu’il aurait fait n’importe quoi pour elle alors qu’il ne savait rien d’elle.

L’étreinte ne dura que quelques instants, et elle disparue dans l’obscurité de la nuit tel un fantôme. Alessandro resta là, songeant encore et encore à ce baiser, troublé jusqu’au plus profond de son être, se demandant quel était cet ange divin et comment il pourrait la combler. Ainsi plongé dans ses pensées il ne vit pas arriver son frère et n’entendis nullement le bruit de ses pas pourtant résonnant fort bien dans le parc. Son frère était agité, trop agité même, mais de cela, le jeune homme ne s’en rendit pas immédiatement compte encore envoûté par le baiser de la demoiselle. Lorenzo le prit par surprise et le frappa au visage. Aussitôt Alessandro s’éveilla de sa torpeur. Voyant le visage de son frère jumeaux tremblant de fureur, les traits déformés par la colère, il comprit l’objet de sa haine si soudaine, pourquoi il s’était montré aussi froid depuis son retour, pourquoi il était si mesquin lui qui habituellement semblait toujours pondéré dans la moindre de ses actions, de ses paroles. Il était amoureux, transi d’amour pour la belle Camille et la présence de son frère qui ravissait tant les femmes et les séduisait si rapidement l’avait mis sur ses gardes à juste titre puisque la belle Camille venait de laisser le plus doux des souvenirs à Alessandro. Ce dernier observa son frère détruit par le chagrin de la trahison, et s’en trouva amusé par cette rage qu’il nourrissait à son encontre.

« Mon cher frère au cœur de pierre serait ainsi tombé amoureux ?

- Tu n’as donc aucun respect pour me voler ainsi la seule chose à laquelle je tienne ?

- C’est elle qui est venue me chercher, sans doute qu’elle n’a pas été conquise par tes charmes.

- Toujours à venir me tourmenter, toujours dans mes pattes, retourne donc à Paris si tu aime tant cette ville, mais pars mon frère car je ne te laisserais pas faire.

- Crois-tu pouvoir m’en empêcher ? Tu n’en as pas la force ! J’ai toujours été le plus rapide, le plus malin de nous deux. »

Lorenzo dégaina son épée. Pourquoi en portait-il une sur lui, c’était une tenue inhabituelle pour se promener dans le parc, mais sans doute espérait-il ainsi conquérir la belle en paradant dans sa plus belle tenue, celle d’un gentilhomme. Lorenzo était furieux mais l’était-il suffisamment pour tuer son frère ? Alessandro l’ignorait et ne tenait pas à le vérifier. Il recula prudemment défiant son frère du regard. Désarmé, il se sentait fragile mais pas totalement. Il était le plus fort des deux, s’ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, ils étaient différent. Lorenzo était le plus intelligent, capable de séduire par sa grace, capable de pousser les gens à le suivre, nourrit d’une ambition sans borne, capable de déplacer des montagnes sans qu’on le soupçonne de quoi que soit. Lorenzo était intelligent, cultivé, raffiné, un aristocrate parfait mais lorsqu’il s’agissait de se battre c’était le domaine de Alessandro. Il continua de défier son frère du regard réfléchissant à la meilleure manière de le désarmer. S’il parvenait à le plaquer au sol sans doute pourrait-il le ramener à la raison. Mais il n’en eut guère le besoin, Lorenzo finit par baisser son arme. Il avait toujours été faible envers son frère. Après tout, n’avaient-ils pas jurer à leur mère de toujours s’entraider, de se protéger mutuellement ? Il recula prudemment en fixant son frère, l’arme à la main puis finit par regagner la maison.

Le lendemain Alessandro quittait la maison pour ne plus y remettre les pieds. Il envoya quelques jours plus tard une lettre en italien à sa mère. Elle lui disait qu’il était revenu à Paris, qu’il allait jouer dans une pièce de théâtre, qu’il espérait que son frère oublierait leur querelle. Elle sentit la fureur et la frustration dans les mots tremblants qu’avait écrit son fils. Il lui demandait de bien vouloir lui pardonner. Lorenzo ne parla pas de l’incident avec son frère jumeau, mais tout le monde se rendait compte que la querelle avait dû être sévère tant Lorenzo errait tel une ombre dans les couloirs. A sa mère il n’osa révéler l’ampleur de la querelle sachant qu’il avait été trop loin en menaçant son frère de mort pour un simple baiser. Curieusement, il pardonna rapidement à Camille, mais elle avait un charme auquel il ne pouvait résister et plus il la voyait, plus il se sentait faible, plus la lumière du jour blessait ses yeux, tandis que Camille reprenait des forces. Il ne savait alors qu’elle était plus qu’une simple humaine, mais lorsqu’elle lui proposa le la rejoindre, il su alors ce qu’elle lui proposait réellement et l’accepta.

Chronique d'une vie de vampireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant