Chapitre 5.

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Oscar fixa depuis un bon moment l'horloge démesurément grande au mur. Il allait bientôt finir son service et elle allait bientôt arriver. Il posa le verre qu'il était en train d'astiquer et posa ses coudes sur le comptoir. Il était pris d'un stress soudain, tout en sachant que ce stress n'en valait pas la peine. Ou peut-être bien que si. Il n'en savait rien, il était perdu. Après tout, peut-être était-ce une de ces femmes multipliant les conquêtes, découchant ici et là sans jamais donner de nouvelles. Elle en avait le physique en tout cas. Cependant, il balaya cette idée de son esprit et reprit sa vaisselle, l'esprit ailleurs.

« Et peut-on savoir le nom de l'heureuse élue ? questionna Abel, le patron du café
- J-Je quoi ? De quoi tu parles ? bégaya Oscar, désemparé
- Oh, à d'autres ! Je connais ce regard, j'avais le même à ton âge... assura-t-il, ça, ça veut dire que tu as rendez-vous avec quelqu'un
- On ne peut rien te cacher. avoua le jeune homme, un sourire naissant
- Alors, son nom ?
- Sarah.
- Je vois que monsieur n'est pas loquace concernant la question ! Eh bien soit, reste dans ton mutisme ! Mais quand tu auras décidé de reparler, il y a une jeune femme qui attend depuis une dizaine de minutes devant le café. Je ne sais pas si c'est elle, mais elle détaille tous les serveurs comme si elle recherchait quelqu'un... Je finirai la vaisselle.
acheva Abel, regardant de loin la jeune femme à la chevelure ébène»

Oscar se hâta de sortir du bistro et partit rejoindre Sarah. Il partit si précipitamment qu'il oublia d'enlever son tablier, ce qu'elle n'oublia pas de lui en avertir. Il piqua un fard de gène, et après l'avoir déposé et reprit ses objets personnels, la rejoignit pour de bon.

« Cette fois-ci, je suis fin prêt, dédramatisa le serveur tout en regardant Sarah qui réprimait un petit rire. Il prit une seconde pour écouter son rire. Son rire cristallin ne fit qu'augmenter la fascination qu'il lui portait
- Heureuse de l'apprendre. Bon, si je me souviens bien, vous deviez me faire goûter ce jambon-beurre ! J'en salive d'avance alors qu'attendons-nous ?!
- Je ne pensais pas que vous seriez tant emballé par ma proposition. À vrai dire, c'était la seule proposition qui me permettait de vous revoir. Éventuellement. Et bien, suivez-moi c'est un peu plus haut.»

Il la guida d'un geste de bras et après quelques minutes de marche, ils se retrouvèrent devant le camion. Oscar salua le vendeur et Sarah lui sourit aimablement. Il commanda deux jambon-beurre, insistant pour payer. Une fois leur consommation en main, ils partirent vers le parc où se rendaient quotidiennement Oscar et s'assirent sur un banc. Ils se mirent à manger de bon cœur, croquant ici et là dans leur pain. Au bout d'un moment, Oscar décida de briser la glace.

« Alors ?
- Alors quoi ?
s'interrogea Sarah, la bouche pleine
- Qu'est-ce que vous pensez de ce jambon-beurre ? De ce que je vois sur votre visage, je pense que vous n'êtes pas déçue !
- Ch'est churprenant ! Che ne penchais pas que chela allait autant me plaire !
commença-t-elle, la bouche toujours aussi pleine. Veuillez m'excusez, j'en perds mes bonnes manières ! elle se reprit alors, la bouche désormais vide
- Heureux que cela vous plaise ! »

Il ne pouvait s'empêcher de la regarder. Plus il l'observait, plus il était fasciné. Elle était fascinante. Même dans des situations comme celle-ci, elle continuait de dégager la classe et la beauté naturelle dont elle profitait.

Sarah quant à elle, ne ressentait pas la même chose que lors de son premier rendez-vous. Elle avait l'impression qu'en lui parlant, elle oubliait tout et se laissait porter. La simplicité de celui-ci contrastait avec le côté tout-fait que Charles avait instauré plus tôt.

La nuit continuait de pointer son nez au fil des nombreux sujets de conversations et ils partirent continuer celles-ci dans un petit troquet encore ouvert. Ils étaient attablés autour de deux cafés, dans deux petits fauteuils vermeils.

« Et, que faites-vous dans la vie ? Je suppose que vous devez aimer l'art, vu que vous étiez à l'atelier... dit Sarah tout en plongeant son regard dans celui du jeune homme
- J'adore ça. Je viens d'ailleurs d'achever ma première année aux Beaux-Arts. Et vous ?
- J'ai validé mon année à l'école préparatoire Sciences-Po et j'espère intègre une école de journalisme.
avoua-t-elle avant de porter son café brulant à sa bouche.
- Intéressant... Veuillez m'excuser si ça pourrait sembler bizarre cet intérêt prononcé mais j'aime en apprendre davantage sur les personnes que je suis potentiellement amené à côtoyer.
- C'est tout à votre honneur ! Ne vous en faites pas pour cela.
- Et... Si cela n'est pas trop indiscret, qu'est-ce qui vous a poussé à vous porter volontaire comme modèle à l'atelier ? 
rebondit Oscar, en train de tourner la cuillère dans le liquide noirâtre
- Oh vous savez, on a tous une liste de choses à faire avant de mourir... Une bucket list... Et bien, cela en faisait partie.
- Je vois...
conclut-il, c'est fascinant. Vous êtes fascinante. »

À ces paroles, Sarah baissa le regard et se mit à rougir. On ne lui avait jamais dit qu'elle était fascinante. Belle, oui ; inoubliable, une fois ; intelligente de temps en temps, mais jamais fascinante. Elle joua avec sa cuillère et développa un intérêt soudain à celle-ci, elle semblait gênée à recroiser le regard de son voisin. Il l'intimidait en sorte.

« Je vous ai gênée ? J'en suis navrée, là n'était pas mon intention... C'était un compliment. s'excusa-t-il
- J-Je... gênée ? Ah non pas du tout, c'est juste la première fois que l'on me dit que je suis fascinante, et avant que vous me le dites, j'ignorais pouvoir l'être. »

Elle lui sourit et il lui rendit son sourire. Ils se remirent alors à discuter pendant presque deux heures. Peu importe le sujet ou l'importance de celui-ci, ils arrivaient toujours à débattre de longues minutes sur celui-ci. Une bulle s'était comme qui dirait formée autour d'eux. Les gens tout autour, le brouhaha des basses résonnant dans le quartier, le moteur ronflant des voitures, plus rien n'avait d'importance. Une demi-heure passa et Sarah réprima un bâillement.

« Il se fait tard... Je devrai peut-être y aller. constata Sarah
- Oh, c'est vrai... Désolé, je n'ai pas vu l'heure passer... Je suis navré, s'excusa Oscar
- Ne le soyez pas, j'ai passé une excellente soirée. »

Sarah paya la dernière addition et après s'être tous deux salués, repartirent chacun dans des directions opposées.

Le temps d'un été.Donde viven las historias. Descúbrelo ahora