Chapitre deux: Un nouveau chauffeur ?

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Musique: Erik Satie — Gymnopédie No.1

J'étais trop dans les vapes pour répondre par une phrase construite, simple, nette et efficace. Je voyais flou, je crevais de chaud, je peinais à tenir debout, je me suis contentée d'un bref:

- Tu sais pas qui j'suis, j'te baise moi, criai-je une fois de plus sans articuler, comme si ma langue était anesthésiée
- Quoi ? Qu'est-ce que t'as dit, sale putain ? Cria à son tour la voix rocailleuse qui me plaqua contre un mur

Le choc me fit gémir instinctivement. Je peinais à distinguer le visage devant moi, tout était flou, tout bougeait dans tous les sens, mais en tout cas je sentais des grosses mains autour de mon cou se resserrer peu à peu, ce qui me fit tousser et virer encore plus au rouge. Je n'étais pas consciente de la situation dans laquelle je m'étais mise, je me contentais simplement de donner des coups sur les mains de mon nouveau bourreau, de gigoter dans tous les sens et tousser machinalement, comme si je n'avais pas vraiment envie de le faire, je le faisais juste pour le faire et pas pour me sauver la vie, cependant je fus sauvée par un videur qui ne s'est pas fait prier pour se jeter sur l'homme aux mains de boucher qui le plaqua immédiatement au sol.

- Ça va Madame ? Me demanda le videur qui, tout en me regardant, envoya une décharge électrique au jeune homme.
- Euh, oui... Ça va, merci... Dis-je faiblement

Mine de rien, tout ce bordel m'a aidé à reprendre un minimum mes esprits. J'étais apte à marcher plus ou moins droit, voir clairement et ne pas avoir l'air d'une débile en ouvrant la bouche. Je n'osai pas regarder la personne qui se prenait un nombre faramineux de Volt, je suis passée à côté d'eux et j'ai quitté le club sans regarder derrière moi.

Il était minuit passé, je ne savais vraiment plus quoi faire de ma vie actuellement. Je regardai autour de moi, rien de bien inspirant... Entre les bennes à ordures, les animaux errants, les quelques voitures qui circulaient et deux, trois drogués, il n'y avait pas grand-chose à faire ici. Je gardai mes chaussures dans la main en les tenant par le talon, avec ma veste disposée sur mon autre bras, c'est ainsi que j'ai déambuler dans les rues pendant deux bonnes heures...

Je ne sentais plus mes pieds, même sans talons. Je m'assis par terre en malaxant la plante de mes pieds qui étaient rouges. Je gémis discrètement de douleur, je me haïssais d'avoir eu l'idée de me balader, surtout dans cet état.

- Pourquoi j'ai fait ça... ? Murmurai-je à moi-meme.

Je me sentais impuissante, je ne savais pas où j'étais, j'avais aucune idée de l'heure qu'il était précisément, je ne savais pas comment rentrer chez moi, je n'avais plus d'argent, je me haïssais, je me maudissais, je m'insultais dans ma tête.

Mes paupières devinrent lourdes, mes membres lâchaient petit à petit et j'étais impuissante face à ce coup de barre. Je me laissai tomber dans les bras de Morphée sans lutter.

On dirait pas, mais les trottoirs sont vachement confortables ! Je dormais comme un bébé, avec ma veste en guise de couette qui recouvrait mon corps frêle et ce dernier frémit lorsqu'il sentit un contact qui lui était inconnu. J'ouvris aussitôt les yeux pour tomber nez à nez avec un homme qui semblait avoir la quarantaine, propre sur lui.

- Ça va, Madame ? Vous avez besoin d'aide ?

Ses mots résonnaient dans ma tête, qui par la même occasion me faisait vivre un cauchemar actuellement.

- Je... Je crois, oui... Vous êtes... ?
- Mon identité n'a pas vraiment d'importance, puis je doute que dans cet état vous puissiez vous en rappeler, me dit-il avec un léger sourire rassurant

Instinctivement, je souris à mon tour avant de prendre sa main qu'il m'a gentiment tendue pour m'aider à me relever. Une fois de plus, j'avais du mal à tenir sur mes jambes sans qu'elles me fassent tituber, et le bel inconnu ne se priva pas pour m'aider à rester en place en me tenant de temps en temps par les épaules ou par la taille, ce qui m'embarrassa.

Étrange qu'un homme comme lui se soucie d'une inconnue que l'on aurait pu confondre avec une sans-abris ou une droguée... A-t-il fait ça pour se donner bonne conscience ? Parce qu'il est naturellement gentil ? Ou bien parce que je suis plus présentable qu'une SDF ? La beauté inspire confiance, c'est connu !

Nous deux marchâmes dans le silence le plus complet. Je tenais toujours ma veste et mes chaussures, suivant le rythme de cet homme qui marchait trop vite pour moi, mais je n'osais pas lui dire. Il a eu le gentillesse de me ramasser dans la rue, je n'allais pas faire des caprices maintenant...

- Que faisiez-vous ici à 5h du matin ?
- C'est un interrogatoire ? Demandai-je en ricanant faiblement
- Qu'est-ce qui vous empêche de répondre ?

Il semblait amusé par mon sarcasme.

- Vous habitez loin ?
- Mmh... Peut-être ! Mais vous n'êtes pas obligé de me raccompagner, je peux me débrouiller.

C'était faux. Je voulais qu'il me raccompagne, j'étais toujours aussi crevée, mais je voulais faire celle qui est indépendante et qui n'est pas trop opportuniste. D'ailleurs, c'est lui qui a proposé en premier !

- Ca m'étonnerait, commença-t-il en souriant malicieusement, vous êtes une jeune femme qui ne s'est pas encore remise de sa gueule de bois, et je serais prêt à parier qu'un détraqué en aurait profité. Je préfère vous savoir saine et sauve que d'apprendre quelques jours plus tard que vous avez été victime des lubies d'un obsédé sexuel.

Il avait raison... Je me hais de me mentir à moi-meme comme ça.

- Si vous insistez... Marmonnai-je en montant finalement dans sa voiture.

Le trajet se déroula tranquillement, un peu trop tranquillement, d'ailleurs... Je n'osais pas regarder vers mon sauveur. L'ambiance est bien trop gênante... Je me limitai à regarder l'extérieur à travers la fenetre teintée, regardant sans trop regarder les rues vides.

- Personne n'a pu vous raccompagner ?
- Non, je suis venue m'amuser seule, donc j'allais rentrer seule.
- Et pourquoi vous amusez-vous seule ?
- On a pas besoin des autres pour s'amuser.
- Je vois... Si vous voulez, vous pouvez passer chez moi pour vous débarbouiller et vous changer, car je doute que ce que vous portez soit confortable.
- Non, ça ira, ne vous en faites pas. Raccompagnez-moi chez moi seulement, vous en faites déjà assez pour moi.

J'étais touchée et à la fois perturbée par sa proposition... Et si c'est à cause de lui que je finirai dans les faits divers ? Trop de gentillesse envers une vulgaire inconnue est trop suspicieux, il y a forcément des intentions qui se cachent derrière.

- Vous êtes sûr que ce n'est pas à cause de vous que je finirai à la une des journaux car vous m'aurez torturée, violee puis tuée ?
- Bonne question, mais ce n'est pas la meilleure question à poser à un criminel. Vous pensez qu'il va tout vous avouer car vous l'avez gentiment demandé ? Sérieusement ?

Je me sentais bête, mais le ton qu'il prenait pour me répondre ne m'embarrassait pas tant que ça, c'était rassurant et amusant.

- Nous sommes arrivés.
- Merci beaucoup Monsieur, c'est vraiment gentil.

Je lui offris un sourire sincère avant de refermer la porte derrière moi, mais c'est en m'appretant à tourner les talons qu'il m'interpella.

- Au fait... Si vous avez besoin d'un chauffeur comme pour aujourd'hui, n'hésitez pas à m'appeler.

Il se pencha pour me donner une carte de visite dans laquelle figurait son nom je suppose. Il esquissa un dernier sourire en jetant un dernier regard sur moi puis quitta les lieux.

- Michael De Santa... Je vois... Enchantée, Mikey, marmonnai-je en scrutant chaque lettre gravée dans le carton de la carte, suivi de son numéro de téléphone.

Le grand méchant loup Where stories live. Discover now