Chapitre 9

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Cette nuit a été très longue, c'est à peine si j'ai fermé l'œil. J'ai pensé à Elio. Comment ne pas penser à lui ? J'ai aussi repensé à ce qu'à dit ma mère. Ce n'est pas à elle de me le dire, certes, mais est-ce que lui me le dira ? M'a-t-il menti ? Pourquoi ? Oh ça m'énerve. Je me lève de mon lit et je vais jusqu'à la salle de bain. J'ai une salle tête. J'ai des cernes. Pour un ado de dix-sept ans, on peut trouver ça bizarre. Maman va voir que je n'ai pas dormi cette nuit, elle va comprendre que ça me tourmente et je ne veux pas qu'elle pense ça. C'est vrai, ça m'empêche de dormir parce que j'y pense. Je regarde dans les produits de beauté de ma mère. C'est à ce moment-là que j'aimerais avoir une sœur, elle me dirait quoi mettre sur mon visage pour que je n'aie pas l'air ridicule. Ma main tombe sur un anti-cerne. Je lis vite fait ce qui est marqué sur la boîte. Peut-être parce que je suis un garçon ou parce que je suis mal réveillé, je ne comprend rien à ce qui est écrit. Tant pis, j'en mets. Sûrement un peu trop. Je n'aime pas le résultat alors je me rince le visage. Ce n'est pas grave, j'aurais des cernes, je serais un adolescent fatigué pour aujourd'hui. Après m'avoir changé, je sors de la salle de bain pour aller à la cuisine pour prendre mon petit déjeuné. Il n'y a que mon père qui regarde les informations à la télévision. Ma mère ne travaille pas aujourd'hui, elle travaille seulement de nuit cette semaine, je n'ai aucun risque de la croiser. Finalement, devant le paquet de céréales je n'ai plus d'appétit alors je le repose au-dessus du frigo. Je prends mon sac et m'en vais. Je ne sais même pas si mon père a fait attention à moi ce matin.

Sur le chemin du lycée, j'ai l'estomac noué. Encore plus que quand je suis parti. Est-ce que je stresse ? Pourquoi ? Je n'ai aucun devoir. Alors je m'assois sur le premier banc que je trouve. Je frotte mes yeux avec mes mains. Qu'est-ce que j'ai ? C'est comme si mon corps ne veut pas que j'aille au lycée, mais que je prenne une autre direction pour savoir quelle est la vérité derrière les mots de ma mère. Les minutes passent et je ne bouge pas. Inconsciemment, j'attends l'heure du début des cours pour que j'aie une raison de faire demi-tour pour aller au centre. Je prends mon téléphone, les minutes ne défilent pas assez vite. Sur internet, grâce à mon forfait, je cherche le numéro du lycée. Je n'ai jamais fait ce qui va suivre, je n'ai jamais été ce genre de personnes, mais pourtant, j'ai l'impression que là, c'est obligatoire que je le fasse. Je porte mon téléphone à mon oreille et attends qu'on me réponde. La voix d'un des surveillants du lycée me surprend, sur le coup, je cherche mes mots. Je n'ai pas préparé ma phrase avant d'appeler et j'aurais dû. Puis je prend une grosse voix, celle que je prends pour imiter mon père. C'est plus simple ça que d'imiter ma mère.

– Bonjour, je suis le père de Milan Owland. Je vous appelle parce qu'il ne pourra pas venir ce matin, il est fiévreux. Si son état le permet, il viendra aux cours de cet après-midi.

– D'accord, merci d'avoir appelé.

– Bonne journée.

– Vous aussi.

Je souffle après avoir raccroché. De nombreuses fois, j'ai vu mes amis le faire, mais je n'avais pas osé. À les voir faire, on aurait pu croire que c'est super simple, il suffit d'être un peu courageux. Mais moi, en passant ma main sur mon front, je peux sentir de la transpiration. Mais au moins c'est fait, il n'y aura aucun mot qui arrivera à la maison disant que je n'ai pas été en cours. Et ma voix, elle était assez grave pour que ça marche. J'ai même un peu mal à la gorge. De toute façon, ils ne connaissent pas la voix de mon père sachant que dès que je suis malade, c'est ma mère qui appelle. Puis, ils ne se rappellent pas de toutes les voix, il en faut juste une qui soit pas trop mal et ça passe. Même maintenant que j'ai appelé, j'attends quelques minutes avant de me relever du banc. Je marche non plus en direction du lycée, mais du centre de rééducation. Je pensais que ce mal de ventre allait passer, mais pas du tout. Devant l'entrée du bâtiment, je prie pour que ce ne soit pas la même hôtesse d'accueil. Par les fenêtres, j'essaie de voir, mais je crois que c'est elle. Elle dira à ma mère que je ne suis pas allé en cours et que je suis venu là, je suis mal, très mal. À force de la fixer de loin, elle a dû sentir mon regard puisqu'elle m'observe à distance. Je souris, bêtement. Je ne peux plus faire marche arrière, j'aurais l'air encore plus stupide. Je m'avance, passe les portes et la salue. Cependant, je m'arrête au comptoir pour lui parler.

– S'il vous plaît, ne dîtes pas à ma mère que je suis venu. Elle pense que je suis en cours. Vous pouvez garder ce secret ?

– Oui. Vas-y. Je ne lui dirais pas.

– Merci. C'est vraiment gentil de votre part.

– De rien. Tu vas voir Elio ?

– Oui.

– Alors vas-y mon grand.

J'affiche toujours un sourire bien qu'il soit différent de celui de tout à l'heure. Je m'en vais, traverse les couloirs jusqu'à me planter devant sa chambre. Que lui dire ? Que lui demander ? Est-ce que je dois être direct ou est-ce que je dois lui parler comme d'habitude ? J'attends là, debout, devant la porte, peut-être en espérant qu'elle s'ouvre toute seule.

– Vous pouvez rentrer vous savez.

La voix de cette infirmière me fait sursauter. Elle me dit tout ce que j'espérais qu'on ne me dise pas. Donc, oui, j'ai vraiment l'air débile là. Je pose ma main sur la poignée, toujours aucune idée en tête de ce que je vais pouvoir lui dire. Puis j'actionne la poignée, j'aimerais dire que c'est contre mon gré, mais ce n'est pas Elio qui a ouvert cette fichue porte, c'est bien moi. Je ne peux plus faire marche arrière, n'ayant pas frappé, il sait que c'est moi. J'entre. Il se retourne vers moi avec un grand sourire. Je lui fais toujours cet effet, comme si on était ami depuis des années déjà. Moi, je ne lui souris pas, j'ai la mine serré.

– Tu vas bien, me demande-t-il.

Que lui répondre ? Je n'ai pas dormi parce que j'ai eu peur toute la nuit. Oui, voilà, j'ai eu complètement peur cette nuit parce que j'ai l'impression que cette histoire n'a qu'un mauvais côté.

– J'en sais rien, lui dis-je pour être honnête.

Il roule jusqu'à son lit, en espérant que je vienne m'asseoir dessus. Non, je reste debout, je préfère rester sur mes deux pieds même s'il me fait une annonce et que je devrais mieux m'asseoir pour ne pas tomber de haut.

– Tu veux en parler ? Reprend-il.

Bien sûr, oui, parce que ça le concerne. Puis je ne sortirais pas de là avant de savoir ce que ma mère pensait derrière la phrase 'ce n'est pas à moi de te le dire'.

– Est-ce que tu me caches quelque chose sur toi ?

– Bien sûr, on ne se connaît pas assez pour que je te dise tout.

– Non mais Elio. Sérieusement. Par rapport à toi, à ta condition, à ce lieu.

– Non. Il n'y a rien que je te cache.

– J'en suis sûr que si. Sinon, c'est que tu ne fais pas d'effort. Ca fait des semaines que je viens ici et tu n'as pas l'air d'évoluer. Tu m'avais dit que tu irais mieux, sauf que je vois bien que c'est faux. Au contraire, on dirait que tu t'affaiblis. T'as toujours le même sourire, mais tes joues se creusent avec le temps. Est-ce que tu manges assez ici ? C'est parce que tu ne fais pas de progrès que ça t'empêche de manger donc tu maigris ? Tu avais dit que tu reviendrais en cours, pourquoi t'es encore là Elio ? Ne me dis pas que tu es mieux ici qu'au lycée, parce que c'est impossible d'être mieux ici qu'à n'importe quel endroit.

– Tu t'inquiètes pour moi maintenant ? Me questionne-t-il avec un rire narquois. Parce que même les infirmières n'ont pas remarqué que j'ai maigri. T'es attaché à moi maintenant ? T'es mon copain ?

Son copain ? Son ami, il veut dire, non ? Je ne sais même pas ce que je suis pour lui, alors qu'en quelques jours, quelques paroles, il est devenu important pour moi. J'ai l'impression d'être différent. J'ai l'impression d'être moi, de ne pas avoir à me retenir de parler, je peux dire ce que je veux, au pire, il rigolera, au mieux, il en rajoutera. En rien, je suis son petit-ami, je ne suis pas gay. Je le fixe avant de trouver quoi lui répondre. Il sourit toujours et rit à moitié.

– Non. Je ne suis pas ton copain. Mais ça me fait chier de te voir là, je voulais que t'aille mieux.

Son regard change, son sourire disparaît. C'est comme si tout s'était assombri en lui en quelques millièmes de secondes.

– Je n'irais jamais mieux.

Apprendre à avoir mâleWhere stories live. Discover now