La question épineuse des rêves prémonitoires et de nos autres superpouvoirs

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Difficile en effet d'aborder les rêves et le fonctionnement du cerveau sans évoquer les fantasmes séduisants des capacités paranormales : télékinésie, pyrokinésie, télépathie, prescience... La littérature et le cinéma sont intarissables sur ces sujets car les progrès et l'évolution constante de notre espèce et des découvertes que l'on fait laissent planer une incertitude sur nos limites et que, face à l'adversité, il est plaisant de trouver une échappatoire à notre désespérante condition humaine dans un monde déserté par la magie et les dieux.

Toutefois, je suis cartésien et la science, si elle n'a pas pu trouver le moindre début de preuve de l'existence du surnaturel, a mis en évidence d'une part la sous-exploitation de nos capacités cérébrales - au passage, savez-vous que les mesures de QI indiquent une tendance à la baisse de notre intelligence à cause notamment des produits toxiques que l'on ingère ? - et d'autre part une mécanique insaisissable de la pensée du fait du fonctionnement terriblement complexe de nos connexions synaptiques ramifiées à l'extrême : l'information y circule en tous sens, démultipliée par les axones et les milliards de synapses qui assurent les liaisons nerveuses. Autrement dit : on pense extrêmement vite, trop vite pour en avoir conscience, notre réflexion ne saisissant donc que des clichés instantanés d'une pensée déjà différente au moment où on se la formule.

En résulte de fait un phénomène de surprise, une impression de mystère entourant l'émergeance de la pensée consciente qui apparaît comme soufflée par les Dieux. Les Anciens y voyaient des muses, l'enthousiasme, l'inspiration, une sorte de grâce divine, de génie révélé chez quelques uns de manière capricieuse. Une pensée mystique qui avait l'intérêt politique de légitimer le contrôle des groupes sociaux défavorisés par ceux qui, favorisés, étaient inspirés par les dieux, forcément.

Or, cette idée superstitieuse et mystique est battue en brèche par la notion d'inconscient.

Par le biais de notre corps, en effet, notre système nerveux est constamment bombardé d'informations sensorielles sur le monde qui nous entoure : images, sons, odeurs, goûts et contacts. Ces informations innombrables et incessantes sont pour la plupart gérées en tâche de fond par l'inconscient pour ne pas surcharger la concentration consciente et ainsi lui permettre d'affronter les enjeux prioritaires.

La conséquence est qu'on croit percevoir consciemment le monde qui nous entoure alors qu'on n'en saisit en réalité que les bribes qui en sont le plus évidemment signifiantes.

Pourtant, la plus grande partie des informations est recueillie, traitée, triée, organisée hors de portée de notre attention pour nourrir notre connaissance du monde et constituer par mémorisation et association le champ de notre expérience. Cette tâche pharaonique s'effectue en tâche de fond en état d'éveil, d'où la fatigue engendrée par les environnements surstimulants, mais elle passe en premier plan lors du sommeil, notamment par les rêves.

J'en arrive donc à la question des prémonitions. Une prémonition est une prescience, une capacité paranormale à percevoir les événements avant qu'ils ne se produisent. Talent plaisant puisqu'il nous mettrait à l'abri des dangers d'un avenir inconnu. J'ai plusieurs fois échangé avec des personnes qui y croyaient ou croisé des témoignages passionnés d'expériences de rêves devenus réalité. Chaque fois, deux phénomènes jouaient : soit on reconnaissait dans le réel ce que le rêve avait laissé deviner, soit on abordait la situation avec une impression de déjà vécu.

Dans les deux cas, c'est le phénomène décrit plus haut qui explique le mieux ces sensations déstabilisantes et fascinantes : on n'a reconnu dans le rêve la réalité que parce que le rêve s'appuyait sur la perception du réel pour établir, notamment, des scénarios probables à partir des indices et facteurs déjà présents mais dont l'esprit conscient ne s'est pas encore emparé. Pour la sensation de déjà vécu, c'est la vitesse de traitement de l'information qui fait que la formulation consciente de la pensée intervient après sa génération inconsciente et rencontre donc de fait parfois le souvenir de cette pensée pas encore formulée. Autrement dit on pense en double à deux vitesses différentes et, si parfois ces deux pensées se confondent, elles sont la plupart du temps dissociées à cause de leur différentiel de vitesse et d'objet.

Le fil d'ArianeWhere stories live. Discover now