Premier Chapitre

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J'ai pris l'habitude de me mettre tout au fond de l'amphithéâtre, près de la porte, afin que je puisse sortir au cas où une crise ferait son apparition. Pour le moment ça va, tant que je regarde le prof et non tous ces élèves fourmillant en pianotant sur leur ordinateur. Non loin de moi, il y a Raphaël, mon seul et unique ami depuis toujours qui m'accompagne dans cette misérable vie. Il fait comme tous les autres, il fixe son écran. C'est la seule personne que je me permets de regarder sans péter de câble. Raphaël est un mec gentil, sociable, drôle. Le seul point commun que j'ai avec lui, c'est la littérature. On peu passer des heures a débattre sur un roman, à plaisanter dessus. Nous avons nos délires et nos références. Nous seuls nous comprenons. Mis à part ça, je me fais incroyablement chier. L'amphi est calme, trop calme. On entend juste les tic tic tic des doigts tapant machinalement sur les claviers et la grosse voix du professeur qui est assit à son bureau. Pendant ce temps, je griffonne des mots au hasard sur une feuille blanche. Courage, force, vie, mort. Je tente différentes typographies histoire de m'amuser un peu. Un énorme bruit se fait entendre derrière moi, je sursaute et me retourne. La porte s'ouvre. Mais personne ne bronche. Une personne entre, c'est une fille. Elle est plutôt jolie. Sa peau est d'une blancheur cadavérique. Elle se retourne vers moi, me sourit, ses yeux sont bleus... ou mauves... j'ai du mal à les percevoir. Elle s'installe sur la rangée de tables à côté de la mienne. Malgré tout ce raffut, personne ne prête attention à l'arrivée de cette nouvelle élève car, oui, je ne l'ai jamais vu auparavant. Elle ne sort aucune affaire, juste une paire de ciseaux avec laquelle elle joue, elle les fait tourner sur son doigt. Elle n'a pas peur de blesser le garçon assis à côté d'elle ? À vrai dire, il ne semble pas la remarquer. Je retourne à mes occupations, mais je sens qu'elle me fixe tout en faisant tourner ses ciseaux. Elle me fixe, j'ai du mal à respirer. Ne va-t-elle donc jamais arrêter ?
- Arrête de me regarder s'il te plaît.
Le garçon se retourne vers moi, et hausse un sourcil. Où est-elle passée ?! C'est de la sorcellerie. Je m'excuse auprès du jeune homme et regarde discrètement autour de moi, partant à la recherche de la fille.
- Pssst... Peter !
Je me retourne, elle est debout devant la porte. Comment connaît-elle mon prénom ? Elle me fait signe de la rejoindre. Je jette un bref coup d'œil autour de moi. Rassemble mes affaires et me dirige vers la porte. Il ne reste qu'un quart d'heure, ce n'est pas très grave et puis, ce cours était ennuyeux à mourir.
Je sors de la salle, bizarrement cette fois-ci, tout le monde remarque mon départ. Mais en l'espace de quelques secondes, ils sont de nouveaux absorbés par leur écran. Je me retrouve dans le couloir. Seul. Comment fait-elle pour disparaître ? Et pourquoi fuit-elle à chaque fois ? Je marche silencieusement jusqu'à la cour principale. Il n'y a personne dans les couloirs, ni dehors. Sauf sur ce banc près du bassin, j'aperçois sa chevelure fine et châtain. Je m'assieds à côté d'elle. La tête baissée et les yeux rivés sur sa paire de ciseaux, elle prend la parole. J'avoue qu'elle me fait un peu peur.
- Bonjour Pierre.
Sa voix est extrêmement douce, à peine audible et assez aiguë. Elle parle lentement et articule exagérément.
- Bonjour... Euh...
- Lucie.
- Bonjour Lucie. On se connaît ?
- Non pas encore, mais je te suis depuis un bout de temps.
Elle triture la lame sans la détacher du regard. Que veut-elle dire par pas encore ? J'essaie de rester le plus serein possible, mais c'est difficile lorsqu'une fille joue avec ce qu'on pourrait appeler une arme blanche.
- D'accord, tu es du bahut ? Je ne t'ai jamais vu ici.
- Disons que oui mais tu ne m'as jamais regardée, dit-elle sur ce même ton calme.
- Désolé, à vrai dire je n'aime pas trop les autres et je ne leur accorde pas une grande importance.
- Moi aussi.
- Ok. Je suis ravi de te rencontrer en tous cas, Lucie.
- Non, moi c'est Raphaël.
Je fais volte-face et me retrouve face à mon meilleur ami qui se tient debout devant moi. Je n'avais même pas entendu la sonnerie retentir.
- Non mais je parlais à...
Mais où est-elle passée encore ?!
- ... personne.
- Mec, t'es au courant qu'il faut dormir la nuit ? Allez, rentrons. Je te ramène ?
J'acquiesce, je me relève puis me dirige en direction du parking, accompagné de Raph. Raph a le permis, Raph a une voiture, Raph a de beaux cheveux, Raph est parfait.
J'entre dans le véhicule en premier puis lui en second. Il claque la portière et commence à allumer le contact de Joy. Joy, c'est sa vieille Peugeot 106 bleue qu'il se saque depuis deux ans. Il dit avoir des sentiments pour elle, bizarre. Nous nous sommes bien trouvés. Tandis qu'il démarre et commence à sortir du parking, je repense à ma rencontre avec Lucie. J'étais hypnotisé par le violet de ses yeux. Elle avait la peau du les os et on voyait ses veines au niveau de ses mains. J'espère la revoir demain. C'est étrange, je déteste rencontrer des gens mais j'ai envie d'en apprendre un peu plus sur cette filles mystérieuse aux yeux mauves.

LucieWhere stories live. Discover now