Chapitre 1

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Fin août, onze mois plus tôt

J'enchaîne les coups, plus vite, plus forts, raisonnant dans toute la salle, s'accordant avec mon rythme cardiaque. Mes phalanges s'éclatent contre le sac de frappe, la douleur de chaque coup vrille dans tout mon corps, mais je continue sans m'arrêter.

Je sens la haine naître de l'intérieur de ma poitrine, se propager dans mes veines pour nourrir chacune de mes fibres et décupler toujours un peu plus ma force. Tous mes muscles se contractent. Ceux du bras, du ventre, des jambes ou même de ma mâchoire.
Comme d'habitude, en face de moi, j'imagine le visage de tous ceux que je voudrais voir à la place. En général ça fonctionne bien. Mais certains - malheureusement pour eux - y sont déjà vraiment passés. Et parfois en dehors de la cage.

La musique à fond, je n'entends rien d'autre que le rythme cogner dans mes tympans, les paroles raisonner dans ma tête. Je déchaîne toute la colère de ces dernières heures. Ouais, quelques heures seulement ont suffi à me mettre en rage.
Les connards, les pétasses, les soirées, l'alcool et toutes ces pourritures dans lesquelles on est obligé de vivre et faire comme si tout était génial.

- Eh, Wes.

Je continue de frapper en redoublant d'énergie et de vitesse. Les poings, les pieds, les coudes, les genoux, jusqu'à la dernière note de la chanson.

- Wesley !

Je me tourne vers la voix qui m'interpelle et aperçois Zack, à côté de moi, ses bras croisés malgré leur volume démesuré. Il a le regard sévère qui veut dire que je ferais mieux de ne pas l'ignorer. J'enlève alors mes écouteurs et réponds froidement :

- Quoi ?

- Il est 13 heures passés.

- Et alors ?

Je déteste quand on me coupe dans mon élan, surtout quand j'ai besoin de me défouler.

- Est-ce que tu sais au moins quel jour on est ?

Je ne me souviens déjà pas d'hier soir.

- Au mois de septembre ? rétorqué-je avec ironie.

- Et tu sais ce qui se passe en septembre ?

Sérieux ? Il se prend pour ma mère ? Il m'a vraiment interrompu juste pour me rappeler que c'est la rentrée ? Je serre les dents tant il commence à m'énerver.

- Je reprends les cours la semaine prochaine.

Quand je frappe dans mes mains la poussière de la magnésie s'élève et forme un nuage plus épais dans la salle.

- Je te parle pas de ça. Apparemment, tu avais quelque chose de prévu.

Ne comprenant pas de quoi il parle, je lève les yeux vers lui, les sourcils froncés. Pour toute réponse, Zack pointe son pouce par-dessus son épaule.

Près de la porte, se tient Alison Kalina, dans son éternel tailleurs de bourge qui lui donne vingt ans de plus. Putain qu'est-ce qu'elle me veut encore, cette chieuse ?
Je prends mon temps pour la rejoindre. Je m'amuse à la voir mal à l'aise lorsqu'elle observe deux gars se battre violemment sur le ring.

Quand on vient d'un milieu comme le sien, des partisans de la paix et de l'amour, on ne peut pas supporter quelques gouttes de sang recrachées par la bouche. Pourtant, c'est la cruelle réalité de notre foutu monde. Son ignorance hautaine me les brise.

Quand elle me voit approcher d'elle, elle tire sur le bas de sa veste et redresse la tête, comme si toute cette violence lui était égale.

- Alison.

Sunset RoadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant