Rencontre inatendue

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Point de vue de Louis

Ce matin je décide de tenter une reproduction de "La nuit étoilée" de Van Gogh, copie que je préfère garder pour moi, mon talent n'égalant pas celui de ce maître du pinceau. Un thé refroidie tranquillement à côté de mon calepin. Je peux dire que ça fait partie de ma routine. Je me prépare des thés que je n'ai aucunement l'intention de boire, je le sais bien que je ne les bois jamais. Ça doit être un toc.
J'ai peur du monde et je suis toqué à souhait. Fabuleux.

Tout en dessinant maladroitement les arabesques de mes étoiles, mon esprit divague entre les limbes de mes souvenirs.
Mon enfance a été assez difficile. Mon père n'assumait pas ma "timidité" et mon anthropophobie n'a été déclarée que bien plus tard, alors que j'étais en pleine adolescence.
Evidemment, il ne l'a jamais accepté. Il est devenue très dur quand ma mère l'a quitté et pour lui je n'ai plus jamais été autre chose que sa progéniture raté, prise de subites crises de paniques en public.
Comme si j'y pouvais quelque chose.

L'école c'était l'horreur. Je pleurais dès que j'étais dans l'obligation d'interférer avec quelqu'un et le pire restait lorsque je devais réciter un texte au tableau. Toutes mes présentations orales n'ont été que des fiascos et j'ai subie ce calvaire chaque jour pendant une dizaine d'années avant que mon père ne décide de me faire participer à des cours par correspondance.
Ce n'était en rien un acte de bonté à mon égard, les remarques de ma maîtresse et les nombreux mots qu'elle lui laissait dans mon carnet devaient  l'agacer au plus haut point. Et puis ce n'était pas une fierté de m'avoir comme fils, les gens de son milieu jasaient beaucoup.

En effet il est directeur des ressources humaines dans une grande entreprises d'architecture regroupant de nombreux architectes, paysagistes et autres métiers joyeux de la construction. Il a fait de longues études de psychologie -c'est assez ironique à considérer- avant de s'engager dans cette voie.
Il est surtout connu grâce à mon grand père, un célèbre chirurgien à Doncaster. Enfin, tout cela revient au fait que les gens s'interrogeaient pas mal sur mon manque de charisme, mon absence de parole et mon air renfermé. Je devais traîner mon pauvre petit corps apeuré chez de riches concessionnaires, participer à  de longs galas de charité et c'était une épreuve drastique à chaque fois. Le regard méprisant des personnes de la haute société n'aidant en rien.
Eh ouais les gars, je n'y peux rien, je ne suis pas aussi sexy et envoûtant que les autres membres de ma tribu. Moi, j'ai peur de vous, des gens en général, de la foule, du monde entier ! Avais-je envie de leur glisser entre mes lèvres pincées. Je ne l'ai jamais fait. Je n'ai jamais osé et puis je ne serais pas ici si j'avais ruiner la réputation des hommes de la famille.

Dès mes 16 ans, mon père m'a viré de chez lui et m'a payé une petite place dans cet immeuble, dans un quartier assez calme, loin de l'agitation du centre ville. J'ai continué mes cours par correspondance et j'ai eu mon diplôme de fin d'enseignement secondaire.

J'habite donc maintenant dans ce vieil appartement, avec une fenêtre côté Est pour ne jamais rater mon date Avec le soleil chaque matin.
Mon paternel ayant assez d'oseille sur son compte en banque pour m'entretenir complètement ne s'est pas gêné pour le faire et ça ne me dérange pas. Je le déteste et je ferais tout pour être indépendant, malheureusement je sais que je n'en serais pas capable. Personne ne peut être embauché dans une entreprise en frôlant la crise de panique ou en se parant d'un mutisme déroutant dès que quelqu'un lui adresse la parole...

Soudain, j'entends un petit grattement sur ma porte d'entrée.

-Monsieur Tomlinson ?

Mon souffle se coupe. Que fait-il ici ? Ce n'est pourtant pas son jour, il ne me rend visite que les mardi..

-Monsieur Tomlinson ?

Sa voix est toujours très douce quand il s'adresse à moi, même si je ne lui réponds jamais ; ça me fait immanquablement rosir. Eh ouais, ma peur me rend timide et niais. À moins que je sois niais de nature.
Je vois son ombre sous ma porte, ses pieds la touche presque, j'ai l'impression de le sentir physiquement pas loin de moi.

-Excusez moi pour le dérangement, vous avez dû remarquer que vous n'aviez pas reçu la totalité de votre commande mardi. Pour tout vous dire c'est un peu de ma faute, j'avais égaré votre colis chez moi et je ne le retrouvais plus...

Il s'arrête. Il attend un réponse ? Je suis censée dire quelque chose ?
J'entends mon cœurs battre de plus en plus fort. Debout à quelques mètres de la porte, j'observe son ombre et un mince filet de parole passe la barrière de mes lèvre. Un petit bredouillement inaudible que Monsieur Styles n'a sûrement pas entendu.

-Donc...je suis venue vous le rapporter. Vous m'ouvrez ?

Non, non ! Mon coeur rate un battement dans sa course effrénée.

-Ou je vous le laisse sur le pas de la porte ? Vous préférez sûrement.

L'ombre sous la porte bouge et j'entends un son sourd, signe qu'il vient de déposer mon bien sur le paillasson.
Un soulagement s'empare de moi.
Il va peut-être s'en aller maintenant et je pourrais le récupérer tranquillement sans avoir à lui parler...

-Vous savez, depuis 2 ans que je suis votre facteur et que je monte jusqu'ici, c'est la première fois que je n'ai pas le droit à vos cookies. C'est dommage, vous êtes un très bon pâtissier !

Son ton est enjoué. Essayerai-t-il de faire la conversation ? Mon cerveau tourne et retourne ce qu'il vient de me dire, cherchant un moyen d'y répondre, ne sachant pas vraiment comment réagir. Mes mains tremblent.
L'ombre bouge à nouveau et je suis sûr de l'entendre murmurer :

-Tant pis pour moi...

Aussitôt, sans que je ne comprenne pourquoi mes jambes se mettent en marche et je file jusque dans la cuisine. Légèrement déboussolé, je jette un coup d'œil circulaire à la pièce. Mon regard se stoppe sur le croquis d'une nuit étoilée qui orne mon calepin. Il est peut-être affreux mais c'est tout ce que j'ai. Je m'en empare, arrache rapidement la feuille et me précipite dans le hall.
En quelques secondes, je me suis penché, les jambes tremblantes, et je l'ai glissée sous la porte. À ma grande surprise, des pas se font entendre et, allongé sur le sol, les yeux collés à l'interstice je peux apercevoir une grande main blanche saisir mon modeste cadeau.

-Oh...c'est très beau Louis, je ne savais pas que tu dessinais. Enfin si ! Je le savais, après tout c'est moi qui monte les deux étages les bras chargés de carnet à croquis et de palette de couleurs !

Il m'a appelé Louis !
J'entends son rire résonner dans le couloir. Un rire aussi doux que sa voix.

-En tout cas, lorsque j'ai abordé le sujet des cookies ce n'était pas pour vous réclamer un cadeau, mais maintenant que j'ai un dessin de vous, je le garde !

Un mince sourire prend forme sur mes lèvres et je me redresse sans répondre.

-Je vais y aller, à mardi.

J'écoute des bruits de pas disparaître puis entrouvre la porte pour jeter un regard à l'extérieur. Une fois que je me suis assurée que le couloir est vide de monde, j'attrape la petite boîte en carton et referme derrière moi.

Lors de son dernier passage, il y a trois jours, j'avais effectivement remarqué que ma commande de livres n'était pas arrivé mais je pensais seulement que le service était long. Je ne m'attendais pas à ce que mon facteur débarque vendredi matin pour me le déposer.

Ce n'est que l'après midi que, alors que je m'étais plongé dans la lecture d'Un appartement à Paris, une pensée me traversa l'esprit. Le regard flou, je laissais tomber ma tête sur le dossier de ma chaise en osier.
C'est quand même assez sympa de tenir une conversation avec quelqu'un. Avec Monsieur Styles.

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Je ne suis pas très fière de l'image du haut mais j'ai mis 45 min à trouver quelque chose d'un minimum cohérent ;-;
Je me rattraperai avec les autres chapitre !
J'espère que celui la vous plaît :)

Tu n'auras  plus jamais peur Where stories live. Discover now