Vel Vitrum

Chapitre 1

   Je grimpais sur le côté de la maison, m'aggripant aux vignes et aux trous dans la brique du bâtiment centenaire, jusqu'à ce que j'arrive à une fenêtre à guillotine. Ouvrant silencieusement le battant, je jettais un coup d'oeil rapide et me glissais sans plus de bruit dans la pénombre de la pièce.

Je me retournais vers le châssis pour le refermer et vis Asher, au bas de la maison qui tenait dans sa main gauche un bocal de vitre contenant un liquide épais et rougeâtre. Il me vis, colla sa paume droite à sa poitrine, puis la leva vers moi, en un signe de bonne chance. Je lui souris et me reconcentrais sur ma tâche, mais me ravisais: si je fermais la fenêtre, je fermais la seule sortie que j'avais. Je tirais donc seulement les épais rideaux de velour bruns qui encadraient la fenêtre. Ainsi, aucun courant d'air n'entrerait et ne ferait bouger ou claquer la porte, et je pourrais m'échapper rapidement en cas de besoin.

Rapidement.

Un sourire ironique se forma sur mes lèvres: j'aurais besoin de beaucoup plus que "rapidement" si les habitants de la maison me repèraient. Mais quatre des occupants étaient partis chasser, alors un seul gardait la maison, ou plus précisément l'objet que j'étais venue récuperer, et selon nos rapports, c'était le plus jeune des cinq. Environ 70 ans qu'ils nous ont dit, j'avais donc une mince chance de m'en sortir vivante.

Une fois les rideaux fermés, je me déplassais sans bruit jusqu'au bureau qui trônait au milieu de la pièce et me positionnais de manière à ce qu'il soit entre moi et la porte qui donnait accès au reste de la maison. Je m'accroupis et m'accotais sur les robustes planches du meuble et appuyais légèrement sur le petit boîtier accroché à ma ceinture. Fixant les deux ampoules encastrées dans le coin de la boite, je priais mentalement pour que la verte s'allume, ce qui voudrait dire qu'Asher était prêt à mettre le plan à exécution. Ce fut la rouge. Je jurais mentalement, ne prenant pas le risque de me faire entendre. Même le plus petit son pourrait trahir ma présence. Quelques minutes plus tard, la lumière verte n'avait toujours pas daigné illuminer sa couleur.

"Qu'est-ce qui lui prends tant de temps?" Me questionnais-je.

Mais je savais qu'il devait trouver un endroit d'où il pourrait voir l'homme qui était resté pour garder la maison, mais d'où il resterait à l'abris de son regard perçant. Alors pour passer le temps, j'examinais la pièce: les murs étaient recouverts d'un papier peint sombre qui avait dût être à la mode à son époque, et de portraits de gens qui semblaient figer dans le temps, qu'on ne pouvait imaginer plus vieux qu'ils ne l'étaient sur leurs photo. Le tout, ajouté au bureau en ébène et au tapis épais du même brun que les rideaux, donnait un air austère à la pièce, comme si elle appartenais à quelqu'un d'important.

"C'est un peu le cas après tout." Me dis-je, encore sans bruit.

Puis, une faible lumière éclaira la pièce pour une fraction de seconde. Je fronçais les sourcils, confuse, et pris un petit moment à réaliser quelque chose: cette lumière était verte. Au même moment, un bruit de verre brisé retentis dans la rue, et je savais plus que je ne sentais qu'une odeur de sang s'y répandait en même temps qu'une flaque rouge vin. J'entendis des pas pressés à l'étage inférieure et une porte s'ouvrir à la volée. Les pas s'éloignèrent de la maison. C'était ma chance. Je sortis de la pièce et me retrouvaient sur une mézanine qui donnait sur l'étage du dessous. J'y sautait, sachant qu'il ne me restait pas assez de temps pour emprunter les marches, et sortis une craie et une vingtaine de petits pieux de bois de ma trousse, que je plantais en cercle parfait dans le plancher autour de moi, et traçais un pentacle à l'interieur en marmonnant une formule en latin:

"Quod patet factus est invisibilia ."

Je sentis un chatouillement dans tout mon corps et vis les pieux disparaître graduellement de ma vue, ainsi que le pentacle, puis sortis de ma trousse, accrocher à côté du boîtier avec les deux ampoules, un flacon de gaz et des allumettes. Je les cachais dans mes manches, au même moment où la porte d'entrée se refermait derrière moi, et que des marmonnements inaudibles se faisait entendre. Je me retournais vers ses derniers et découvris un jeune homme aux cheveux bruns qui avait l'air dans la vingtaine, qui me regardait de ses grands yeux verts, stupéfait.