Epilogue - Un foutu miracle [FIN]

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« Qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda le jeune chevalier, parvenant à se redresser tant bien que mal.

Tout autour d'eux, des cavaliers du roi se hâtaient dans toutes les directions. La plupart étaient équipés d'arcs longs et d'épées légères, tandis que les autres trainaient des charriots remplis de blessés, ou de cadavres.

« Lorsque l'avant-garde, c'est-à-dire vous et vos camarades, ont chargé, le rang d'archers devait suivre de peu et empêcher les renforts ennemis de venir vous rejoindre. Malheureusement, ils nous avaient déjà contournés, et une bonne partie de notre armée a été ravagée par leur attaque surprise. Et leurs renforts ont pu venir... »

Sur leur droite, une des roues d'un charriot transportant un trop grand nombre de cadavres se décrocha et la pile de corps tomba à la renverse sur le sol quasiment sec de la plaine.

« ...Dans la mêlée principale, reprit le conducteur. Mais finalement, comme ils n'avaient prévu que peu d'hommes pour leur attaque surprise, on a fini par les déborder et les archers ont pu venir vous soutenir, bien qu'il fût un peu trop tard, et que nous avons juste pu faire fuir les quelques ennemis qui restaient. »

Le jeune chevalier rit. Ou plutôt, il crachota du sang avec un sourire aux lèvres. Il avait écouté le récit de son chauffeur, mais au fond de lui, il se moquait de savoir qui avait gagné, qui avait perdu, ou qui avait tué qui. Il s'en fichait complètement. La seule chose qui l'importait, à cet instant, était de savoir que la bataille était, pour le moment, terminée, et qu'il était en vie. Certes, il était blessé, il avait perdu beaucoup de sang, il lui faudrait beaucoup de temps pour que son corps s'en remette, mais il était en vie. Certes, la plupart de ses camarades étaient morts au combat, ou blessés mortellement, mais il était en vie.

« Je suis en vie, murmura-t-il.

— Et c'est un foutu miracle, si vous voulez mon avis », répondit le conducteur.

*

Henry gara la voiture à l'ombre du hangar où le jet les attendait.

« Je sais pas comment t'as fait pour tenir aussi longtemps. Je crois que je me serais foutu en l'air bien plus tôt.

— L'idée m'a traversé l'esprit une ou deux fois. »

Ils descendirent de la Mercedes, et se dirigèrent vers le pilote du jet qui les salua.

« Bonjour Robert, dit Henry. Tout est prêt ?

— Bonjour Monsieur Hopkins, répondit le pilote. Il ne manque que votre client... que voici, je suppose ?

— Oui, M. Bond est un client hollandais d'une importance capitale pour le futur de notre entreprise, je vous prierai donc de le mener comme convenu à Buenos Aires le plus promptement possible. »

Le pilote acquiesça et partit s'installer dans le cockpit. Henry se tourna alors vers son vieil ami, qui souriait.

« M. Bond... Avec un nom pareil personne ne risque de me retrouver.

— C'est le premier nom qui m'est venu à l'esprit. Je suppose que c'est ici que nos chemins se séparent définitivement...

— J'espère bien. Merci, Henry. Prends soin de ta famille. J'espère que le petit n'en gardera pas un traumatisme à vie. Je garde le joujou, qui sait. »

Henry hocha la tête et recula. L'autre empoigna son sac et monta les quelques marches qui menaient à l'intérieur de l'avion.

« Au fait, Henry !

— Oui ?

— La raison pour laquelle j'ai... fait tout ça. La raison pour laquelle j'ai choisi cette option plutôt que « me foutre en l'air », comme tu dis... Tu veux la connaître ?

— Dis toujours.

— Je suis en vie, dit-il simplement.

— Et c'est un foutu miracle, si tu veux mon avis », répondit Henry.

*

Appuyé contre le rebord du chariot, le jeune chevalier plongea son regard dans l'horizon, où le soleil se dressait fièrement et surplombait la plaine jonchée de cadavres. Les nuages s'étaient dissipés, et si une odeur âcre de terre et de sang flottait toujours dans l'atmosphère, une légère brise lui caressait délicatement le visage, apaisant ses blessures. La guerre n'était pas finie, mais la bataille était terminée, pour le moment.

*

Appuyé contre son hublot, le jeune fugitif plongea son regard dans l'horizon, où le soleil se dressait fièrement et surplombait la plaine où se trouvait l'aéroport privé d'Henry. Les nuages s'étaient dissipés, et bien que l'avion remuât dangereusement lors du décollage, la vue de la voiture et de son ancien camarade s'éloignant peu à peu lui conférait une sérénité qu'il n'avait plus ressentie depuis longtemps. Sa cavale n'était pas terminée, mais il pouvait enfin savourer un moment de répit.

*

« Le destin m'a proposé un choix », pensèrent-ils. « Vivre ou mourir. Survivre ou abandonner. Et j'ai décidé de vivre. J'ai décidé de survivre. Lorsque j'étais au plus profond du néant, je ne parvenais pas à en voir l'issue. Le chaos me paraissait éternel. Mais ce n'est pas le cas. Il a toujours une fin, si lointaine et si invisible qu'elle soit. Et bien souvent, la seule solution pour s'en sortir est de se battre. Se redresser pour sortir la tête de l'eau. Même si une aide extérieure est parfois bienvenue et nécessaire pour cela. »

« Bien sûr, il y a eu, et il y aura, un prix à payer. Mais cet instant, cet instant-là, présent, de sérénité, de paix, de vie, n'aurait jamais pu avoir lieu si j'avais choisi de mourir. De même que tous les autres instants à venir. »

« Car je suis en vie, et c'est un foutu miracle. »

En attendant l'aube — FIN

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 15 ⏰

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