Beyond The Scars (publié chez les éditions shingfoo)

Premier contact

Maintenant que je sais que Kathya est en vie, parce que c'était elle dans la limousine, je dois me concentrer sur le nouveau tournant de mon existence. Ne pas aller trop vite en besogne et être certain que ces nouvelles visions soient bien réelles. Même si je n'ai aucun doute quant à cette vérité qui m'éclate à la gueule, telle une grenade dégoupillée à mes pieds.

Dorénavant, je sais pourquoi ils m'ont retrouvé presque mort à Boston et bon sang j'y ai échappé de justesse, parce que ma vie ne tenait plus qu'à un fil. Une simple fibre me suspendait dans le monde des vivants qui à tout moment menaçait de rompre. Mais je me suis accroché à ce lien minuscule et je m'en suis sorti, non sans séquelles. Puisque j'y avais perdu cette putain de mémoire.

Mettant ces derniers souvenirs entre parenthèses, je retrouve Jackson sur le parvis de l'hôtel pour aller faire la connaissance de son coach. J'ai préparé un sac de sport avec ma paire de gants, un maillot et un short, au cas où il me demanderait de lui montrer de quoi je suis capable. Mieux vaut être prévenant dans ce genre de situation.

Jackson me parle de son futur combat, avec un adversaire qu'il va affronter pour la première fois. Un certain Kendall. Même s'il me le décrit, ce nom ne me dit absolument rien. Pourtant, il semble être connu dans le monde sportif de la boxe, comme sur des magazines ou encore à la télévision.

S'il savait que cette boîte noire a été bannie de chez moi depuis quelques années maintenant, il me prendrait pour un moyenâgeux. La vie est bien plus trépidante à l'extérieur et surtout le concret est bien meilleur que ces images qui passent en boucle sur un écran plat. C'est contraire à mon métier, vu que je bosse dans la publicité, mais ça me permet d'innover sans avoir l'envie de piquer des idées aux concurrents et c'est ce qui fait ma force.

Nous voilà devant la salle et aussi loin que me ramènent mes souvenirs retrouvés, mon cœur rate un battement. Je reconnais l'enseigne qui n'a pas bougé d'un pouce. Les couleurs sont identiques, quelque peu passées, mais toujours présentes. "Rings Spirit" inscrit sur le haut de l'entrée principale. Tant que tu n'étais pas entré dans ce lieu, tu ne savais pas ce que tu pouvais y trouver. Seulement à l'intérieur, tu apprenais à faire partie d'une famille et pour le coach, elle comptait avant tout et c'était sacré.

Est-ce que c'est encore lui aujourd'hui qui dirige ce lieu mythique ?

Bon nombre de boxeurs ont démarré ici et quelques années plus tard, ils ont eu accès au podium, avec une ceinture de champion autour de la taille. Pour le coach c'était l'aboutissement et la récompense des litres de sueur qu'il avait fait couler sur le plancher.

Je talonne Jackson et à l'intérieur, je découvre que rien n'a changé. J'ai l'impression de faire un bond treize ans en arrière. L'odeur de cuir et de sueur est la même. Le plancher ciré recouvre entièrement le sol. Le ring est au centre, deux bancs installés de chaque côté, face à lui et des sacs de frappe aux quatre coins. Dès les premiers pas en salle, le son des efforts déchaînés s'entend et me replonge dans la même ambiance. Les cordes à sauter claquent. Les respirations sont fortes et régulières. Les poids soulevés. Les coups de gants donnés. La cloche retentit pour que les adversaires regagnent leur coin attitré et me ramène au moment présent.

— Salut coach... J'amène un nouveau. Il vient d'arriver et il cherche une salle pour s'entraîner, s'adresse-t-il à un type qui est de dos, un béret sur le crâne, face aux types qui s'affrontent, à donner ses consignes.

— Qu'il s'habille, je veux savoir ce qu'il sait faire, lui répond-il, sans se retourner.

Je reconnais sa voix. Rauque comme un fumeur de longue date et son accent latino. Ça ne peut être que lui et mon palpitant s'affole.