Beyond The Scars (publié chez les éditions shingfoo)

Nouveau départ

Le dernier rendez-vous avant ma future mutation est terminé. Voilà six ans que je travaille dans cette entreprise et je ne pouvais pas manquer une telle promotion.

Chef d'une unité de marketing et communication, ça ne se refuse pas, même si pour cela je dois déménager à plusieurs milliers de kilomètres. J'ai gravi les échelons à une vitesse fulgurante. Pourtant démarrer comme coursier, tout en bas de l'échelle, n'a pas été simple à accepter. Mais la facilité avec laquelle j'ai appris, pour grimper dans cette boîte, me surprend encore aujourd'hui. J'éprouvais le besoin que ça aille vite. J'avais déjà perdu trop de temps à me reconstruire, pour continuer à avancer à vitesse d'escargot.

— Alors ? Tu es prêt pour la fête ? me surprend ma patronne.

Sacrée Caroline...

Une femme que j'apprécie beaucoup. Cette quinquagénaire m'a pris sous son aile, lorsque je suis arrivé avec un dossier vide. Seulement, elle ne s'est pas simplement contentée de ces quelques feuillets que je lui avais présentés. Elle m'avait observé longuement et avait perçu en moi le potentiel que je cachais sous mes airs de rebelle. Recréer une vie n'a pas été une mince affaire, même si j'ai oublié la précédente, Caroline m'y a amplement aidé et je lui serai éternellement reconnaissant.

Je me souviens encore de notre premier entretien. Elle a mis les bases du bon fonctionnement de l'entreprise tout de suite et n'a pas été impressionnée par mon ton froid et la distance que je mettais entre nous. Elle m'a donné ma chance et attendait des résultats en retour. Je m'y suis mis d'arrache-pied sans perte de temps, pour lui prouver que je pouvais bâtir quelque chose, malgré mon manque d'expérience.

J'ai eu un parcours semé d'embûches lorsque je suis sorti du centre de rééducation, mais aujourd'hui, mon acharnement est pleinement récompensé. Et le sourire de Caroline en dit long, sur la fierté qu'elle en éprouve.

La brunette passe son bras sous le mien et me guide d'un pas pressé vers la salle de réunion qu'ils utilisent pour l'occasion. Des banderoles de félicitations, des verres remplis de champagne et des petits fours à profusion sont disposés sur une grande table. Évidemment toute l'équipe est présente et à l'unisson, ils me souhaitent le meilleur et bon vent.

Ça me fait quelque chose de devoir les quitter, parce qu'ils sont devenus en quelque sorte, ma famille de substitution. Pourtant le loup solitaire que je suis leur a laissé le doute quant à mon besoin d'être avec eux, mais ils ne m'en tiennent pas rigueur. Ils partagent ces derniers instants avec moi, sans aucune animosité.

Caroline, quant à elle, m'a apprivoisé tout en gardant un certain recul, pour ne pas me faire fuir. Elle a fait de moi son protégé, comme le fils qu'elle n'a pas eu. Elle m'a fait confiance et c'est réciproque. C'est bien la seule que j'ai laissée approcher suffisamment de mon état sauvage et qui connaît réellement tout de moi. Enfin, tout, est un bien grand mot. Elle sait par quoi je suis passé et a vu l'aboutissement qui en résulte par des années de travail.

Je sais que je reviendrai, parce que c'est comme une évidence. C'est ici que je suis, en quelque sorte, né. En le disant, c'est bizarre, mais c'est ainsi que je le perçois.

Maintenant, je vais devoir prendre mon envol et repartir une fois de plus à zéro. Mais avec des centaines de souvenirs que j'ai gardés de ces dernières années. Des bons, comme des moins bons, mais dans les deux cas, j'en ai et ceux-là ne se sont pas évaporés...

*****

J'arrive, après six heures de vol, à l'aéroport de San Francisco. C'est bondé de monde et pour m'y retrouver, c'est un vrai parcours du combattant. Lorsque j'aborde péniblement la sortie, un panneau avec mon nom est brandi au travers de la foule et j'arrive laborieusement à me frayer un chemin jusqu'à lui, bagages en main.