1. Le calme...

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Les premières lueurs du jour commencent à filtrer dans ma chambre. Je tourne la tête vers la table de chevet, mon réveil indique six heures. Déjà ! Dans une demi-heure, il se lèvera. Dans une demi-heure, il se préparera à partir, me laissant seul, ignorant dans combien de temps il me fera l'honneur d'une nouvelle visite. Ce soir ? Demain ? La semaine prochaine ? Ces derniers temps, j'ai été ravi de le voir venir plusieurs fois par semaine. Mais mon instinct me souffle à l'oreille que cela va changer d'ici peu. Est-ce la manière dont nous avons fait l'amour ? Son attitude particulièrement douce et attentionnée ? Ou juste la fréquence de ses visites précédentes ? Je n'ose lui poser la moindre question de peur qu'il ne m'échappe plus rapidement. 

Je profite des quelques précieuses minutes qu'il me reste pour me rassasier de sa vue. La couette ne couvre que le bas de son corps exposant son dos nu. Je me régale de chacune de ses courbes, de ses omoplates musclées à bonnes doses, de ce grain de beauté discret en haut de l'épaule. Je tente de mémoriser le moindre détail au cas où une telle occasion ne se reproduise pas de sitôt. Non pas que je pourrais les oublier avec facilité. Impossible. 

Durant ces quinze dernières années, je l'ai vu s'embellir chaque année encore plus. Pour moi, il a toujours été parfait, mais chaque changement le rend encore plus appréciable. On dit que l'amour est aveugle, dans mon cas, c'est on ne peut plus vrai. Incapable de déceler la moindre faiblesse, imperfection ou autre chez cet homme qui façonne ma vie depuis tant d'années. Sans lui, je ne serais pas moi. Je lui dois presque tout.

Même si je sais que je vais le réveiller, je ne peux plus me retenir de le toucher et laisse mes doigts vagabonder sur sa peau chaude. Il ne bouge pas. Je continue et me rapproche de lui. Impossible qu'il ne me perçoive pas, qu'il ne remarque pas l'effet qu'il produit sur mon anatomie. Toujours aucun mouvement de sa part. Je m'enhardis et pose mes lèvres sur sa nuque. Cette fois, il tourne la tête vers moi. 

— Quelle heure est-il ? 

— Encore tôt. 

Il me sourit et mon cœur fond. Je l'embrasse à pleine bouche. Fini la passivité, il me renverse fermement sur le dos et se positionne au-dessus de moi, non sans vérifier le temps dont il dispose ce qui me fait lever les yeux au ciel. Puis, il prend les commandes pour nous emmener au bord du précipice. Pas de délivrance ce matin, comme la promesse d'une suite. Va-t-il revenir dès ce soir ? 

Pile à l'heure, il se lève et part se préparer dans la salle de bain. Je ne l'y rejoins pas. Aucune force en moi tant physique qu'émotionnelle. La peur que tout s'arrête persiste malgré tout. Je me sens ridicule d'éprouver cette craint irrationnelle. Pourtant, j'ignore comment lutter contre.

Quand il en ressort habillé pour aller bosser, je demeure toujours couché dans le lit. Ses sourcils s'arquent d'étonnement, mais il ne me demande rien. Il s'empare de ses chaussures, s'approche et dépose un chaste baiser sur mon front et quitte les lieux en silence. Le froid de son absence m'envahit. Je n'ai qu'une envie : me terrer sous la couette jusqu'à son retour. Sauf que je ne peux me le permettre. Le travail m'attend aussi. 

Comme pour me le rappeler, mon téléphone émet un bip me signalant l'arrivée d'un nouveau message. Sans motivation, je m'en saisis. Il s'agit de ma collègue et amie, Tracy.

On fait le chemin ensemble ?

Vu mon état d'esprit, il ne vaut mieux pas. Je risquerai de lui gâcher la journée avec mon air maussade.

Désolé, pas ce matin. Demain ?

Ça marche.

Avec une extrême lenteur, je m'extirpe du confort de mon lit et entre dans la salle de bain. 

Un quart d'heure plus tard, j'ai terminé. Dans la cuisine, j'avise la cafetière. Alors que je m'apprête à l'enclencher, je me ravise et opte pour un jus d'orange à la place. Mon petit déjeuné sur la table, je sors ramasser le courrier de la veille que j'ai eu la flemme de prendre dans mon impatience à voir Lucas. Cela me fera un peu de lecture et me changera les idées avec de la chance. 

Parmi le tas de publicité se trouve une enveloppe blanche à mon nom, joliment décorée. Intrigué, j'avale les marches deux par deux pour retourner à mon appartement. 

Mon cerveau a comme beugué. Trois heures que je contemple cette fichue invitation. Heureusement que je ne travaille pas avant la fin de la matinée. Je ne parviens pas à croire qu'il ne m'en ait pas parlé. Il y a encore peu, il se trouvait avec moi, dans mon lit. Comment de toute la soirée et la nuit n'a-t-il pas trouvé l'occasion de me l'annoncer en personne ? 

Pire, après toutes ses années, je demeure toujours le dernier au courant. C'est à se demander s'il a la moindre considération pour ma personne. L'envie de déchirer en mille morceaux le bout de carton est forte. Mais je sais que j'irai. La tentation d'assouvir ma curiosité, de constater par moi-même ce qu'il en est, de fixer son regard lorsqu'il lui dira « oui », lorsqu'il mettra définitivement un terme à notre histoire. Un terme à sept ans d'une relation que je ne saurais qualifier. Qui sommes-nous l'un pour l'autre ? Éternelle question que je me pose depuis le commencement et pour laquelle aujourd'hui encore j'ignore la réponse. 

Je me sens trahi alors qu'il ne m'a jamais rien promis, que j'ai toujours su qu'il ne voulait pas de moi dans sa vie. Du moins pas officiellement. 

Sept ans que toute ma vie est centrée sur lui, que je soupèse chacun de mes choix par rapport à l'impact sur son existence et non sur la mienne.

Comment en suis-je arrivé là ? A quel moment la situation m'a-t-elle échappé ? Impossible de m'en souvenir.

En l'absence de toute autre alternative, je remplis le coupon-réponse en prenant soin de cocher la case non à la question « venez-vous accompagné ? » Au contraire de lui, je suis incapable de faire semblant, d'être ce que je ne suis pas. Je n'envisage aucune autre personne à mes côtés que lui. J'en suis parfaitement incapable et il en a toujours été ainsi.

Je glisse le papier dans l'enveloppe jointe, colle un timbre et la pose sur ma sacoche dans l'entrée. 

Après avoir avalé un croissant et vidé mon verre de jus d'orange, je me traine jusque dans l'entrée et attrape mes affaires. En chemin je poste mon précieux courrier, comme si m'en débarrasser me permettait du même coup de reléguer le problème à plus tard. 

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Bonjour, ceci est un premier essai de romance entre deux hommes. J'espère que l'histoire vous plaira. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.

Aime-moi (en pause)Where stories live. Discover now