prélude

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Je suis l'indompté, le sauvage, l'indéfinissable. Partout l'on croit me voir, nulle part on ne m'aperçoit. Je ne prends mon envol qu'au soleil rasant, frôlant le sol de mes sabots, croisant petits, infimes et grands, cachés dans les replis d'un nuage, d'une ombre, d'une lueur. Nul jusqu'à présent n'a pu me capturer. Nul jusqu'à présent n'a pu me retenir. Feu follet de lumière étoilée, insaisissable, j'ai la rapidité de l'air, le poids du vent, la couleur de la lumière.

Je suis l'unique, le dernier, l'insaisissable. Être à nul autre pareil, je dus à ma volonté inébranlable de parcourir mille et un horizons... jusqu'à parvenir ici, où la fatigue me prit.

Et alors que je me repose, fourbu d'une course trop longue, trop éperdue, le souvenir m'assaille de ces chevauchées sans fin, où mes sabots frappaient la Terre, où ma crinière flottait au vent ; et de ces autres galops effrénés, où, déployant mes ailes diaphanes, je planais d'étoiles en comètes et de lunes en astéroïdes, entité de légèreté dans un ciel stagnant.

Il me revient mes recherches sans fin, de ces autres si semblables à moi-même, que l'envie humaine avait décimé – pourchassés, capturés, enfermés, ceux de ma race s'étaient étiolés et laissés dépérir jusqu'au dernier... jusqu'à ce qu'il ne reste que moi.

Moi, que bientôt l'on ne nomma plus que par le nom de l'espèce – Pégase – quand ma véritable appellation est tout autre...

Moi, dont l'esprit farouche et libre n'eut de cesse de retrouver les miens, et qui me mena de la terre à la mer, des basses plaines aux plus hautes montagnes ; et de la Terre au Cosmos.

Il me revient, encore, parmi les brumes de ce long sommeil où je me suis coulé, le souvenir de ces astres par milliers, de ces amas, nébuleuses et particules déployés pour mon seul regard ; de ces comètes que je frôlais dans leur trajectoire infinie – de cet épuisement, aussi, qui me prit et m'enveloppa inexorablement, et m'obligea à m'étendre sur ce coussin d'astres si accueillant que je m'y assoupis pour ce que je croyais être un instant...

Il faut bien reconnaître, cependant, que je me reposais ainsi, mes longues ailes satinées repliées sur moi, plus longtemps que ce que je pensais ; car, à mon réveil, tout était différent.

Cheval d'étoilesWhere stories live. Discover now