Partie 6 : Le plan

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Je m'appelle Eddy Kern, colonel de l'EPIG, je suis le pion de mon propre plan parce que je suis le seul parmi les membres de mon service à réunir les conditions nécessaires. J'ai un profil génétique unique, qui m'a permis de tolérer les manipulations dont j'ai été la cible, et il était nécessaire de disposer d'un grade important, pour que l'enlèvement par un trust ne soit pas considéré comme secondaire auprès des tribunaux.

J'ai moi-même validé le conditionnement qui devait effacer de ma mémoire ma véritable identité et mon passé, pour les remplacer par deux couches de fausses identités. Je n'avais aucune assurance qu'il n'y aurait pas de séquelles, et il y en aura peut-être... Mais, comme qui dirait, cela fait partie du job.

On ne se fait pas recruter dans le département Bourcel sans un profil précis, il faut être prêt à donner de soi. Les cyniques qui gouvernent le monde appellent les hommes comme moi des idéalistes. Moi, je préfère parler de simple honnêteté intellectuelle.

Lorsqu'à la suite d'un cours sursaut démocratique, le gouvernement européen a voté la création de ce département particulier au sein de son EPIG, j'ai adhéré, cela me semblait la bonne chose à faire. Je fais partie du centre de commande du service, de ceux qui élaborent les stratégies.

On a étudié les possibilités qu'on avait à notre disposition pour permettre à l'Europe de retrouver une autonomie politique... Impossible de redonner des couilles à nos politiciens, impossible de contrer le lobbying, puisque les lois l'autorisant on été votées il y a longtemps déjà. Il ne nous restait que des solutions pas très honnêtes, auxquelles il fallait donner un vernis de légalité, organiser les fuites d'informations qui pourraient permettre de les poursuivre, voir les pousser à la faute.

Le plus gros trust chimico-pharmaceutique européen était notre première cible. Nous avons fourbi nos armes, le virus informatique qui ouvrirait les portes de leur forteresse virtuelle, la méthode pour l'implanter, les stratégies à mettre en place pour les inciter à séquencer l'ADN du porteur choisi et l'appât principal.

Nous savions que leurs recherches sur la régénération accélérée buttait sur des problèmes de prolifération cellulaire carcinoforme. Nous avons alors disséminés des indices de réussites sur ce sujet, par un laboratoire secret, censément lié à l'armée européenne, dont nous avons presque effacé toutes les preuves d'existence, en laissant juste assez pour les mettre sur la piste du lieutenant Philippe Lancel, bénéficiaire de l'amélioration génétique cible.

Cependant, l'objectif était qu'ils ne se contentent pas de le tuer pour séquencer son ADN, solution la moins risquée pour eux, on ne fait pas dans le sacrifice de pion chez nous. Il fallait qu'ils aient, dans un premier temps, une raison de le garder vivant. C'était risqué, mais il fallait pour cela les mettre sur la piste de sa mission sous le nom de Victor Lappe, au sein de l'entreprise qui avait créé le logiciel qu'ils utilisaient pour le séquençage ADN, et qu'il soit la seule source d'information qu'ils puissent utiliser. Il fallait donc parallèlement renforcer les défenses de notre agent contre les drogues qui annihilent la volonté, ce que nous avons fait via des plasmides porteurs de séquences pour des enzymes modifiés, spécifiquement étudiés pour détruire ou neutraliser les composés actifs de ces drogues. La seule solution qu'il leurs resterait alors était de séquencer l'ADN de Philippe Lancel, afin d'analyser les gènes que nous lui avions ajoutés, et ce faisant, utiliser le logiciel de séquençage modifié par nos soins, qui transformerait les séquences ADN en bits de données interprétées au plus bas niveau par le système d'exploitation, pour former un virus informatique détruisant leurs défenses et nous ouvrant grand les portes de leurs serveurs.

Le succès de cette opération reposait sur plusieurs points. La compartimentation stricte des informations, le verrouillage total du plan global et l'efficacité de nos armes.

TrustocèneWhere stories live. Discover now