1. A la tombée de la nuit.

1.2K 50 30
                                    

     "Le vent se lève, il faut tenter de vivre!"

                              Paul Valéry

Le jeune garçon était dans le champ de blé. Il sentait le vent caressé ses cheveux. De sa main droite il tenait sa casquette d’écolier et de sa main gauche il laissait les épis caresser sa main.

Fermant les yeux, il appréciait la douceur du vent sur sa peau et le picotement du blé sur ses jambes nues. Ses vêtements lui collaient au corps à cause du vent auquel il faisait face. C’était bon, il aurait pu rester ici pendant des heures, rien n’aurait pu perturber cette sensation de plénitude qu’il ressentait à ce moment là. 

Tandis qu’il goutait à la caresse du vent et à la chaude douceur du soleil le garçon pensa qu’il ne connaîtrait jamais pareil sensation de bonheur. Oui, il était heureux. Dans ce champ, il avait l’impression qu’il aurait pu s’envoler. Il sentait que là était son bonheur, qu’à ce moment précis rien n’aurait pu le rendre plus heureux. Dans ce champ, face aux vents qui lui donnaient l’impression de voler, le garçon se sentait libre.

Non loin, sa mère le cherchait partout. Elle, elle luttait contre le vent. Celui-ci lui empêchait de trouver son fils, seulement âgé de 10 ans, pour qui elle commençait à s’inquiéter. Le vent la ralentissait, et lui empêchait de crier le nom de son enfant. A chaque fois qu’elle le faisait, ses mots lui revenaient. Alors elle marchait les cheveux collés aux visages et la robe tirée vers l’arrière tentant de trouver son fils.

Elle savait que par ce temps il devait encore être dans son monde. Elle savait que son fils était d’un naturel très rêveur à toujours s’imaginer dans de belles aventures à la conquête d’un idéal impossible. C’est pourquoi quand elle vit ce beau temps, ce vent fort et l’absence de son fils, il ne lui fallut que peu de temps pour faire le rapprochement. Mais aujourd’hui, il ne fallait pas le perdre. Elle n’avait pas le droit de le laisser. Il fallait qu’il rentre à la maison pour rester en sureté. Se dirigeant à travers le champ du patron de son mari, elle vit son fils quelques mètres plus loin les yeux fermés, les bras ouverts : comme s’il essayait de s’envoler.

Elle commença à l’appeler :

-« Dahai ! »

Comme elle s’en doutait, le vent recouvra ses paroles, empêchant son fils de l’entendre. Alors luttant contre le vent, elle marcha à travers champs pour rejoindre le garçon.

Lorsque sa mère arriva près de lui, Dahai ne sentit pas la présence de sa mère. Il s’imaginait toutes les contrées qu’il pourrait visiter s’il pouvait voler. Trop plongé dans son univers, l’enfant ne sentit pas sa mère.

C’est pourquoi la jeune femme, bien que son visage lui donnait quelques années de plus, saisit l’épaule de son fils et le tourna violemment vers elle. Hébété de voir sa mère ici, Dahai ne réagit pas tout de suite face à la silhouette fine et imposante de la femme en face de lui. Trop énervée pour lui adresser la parole, Jia-Li saisit le poignet de son fils et le força à le suivre.

Tandis que le garçon était traîné jusqu’à sa maison, il contemplait sa mère. Elle restait élégante malgré ses vêtements déchirés et sales, qu’elle n’avait pas changées depuis plusieurs jours déjà, faute d’argent. Malgré ses traits fatigués, la mère de Dahai conservait cet air serein et sérieux qu’on les femmes asiatiques. Elle était belle malgré tout. Sa longue chevelure noire qui lui tombait jusqu’au bas dos était emportée au vent ce qui rappelait à Dahai une crinière de cheval sauvage galopant sur les plaines.

Parfois, le vent lui faisait la grâce d’amener une des mèches de cheveux de sa mère sur son visage. Il pouvait alors sentir la douceur et le parfum de cette femme qui représentait tout à ses yeux. Il respirait alors profondément ce parfum si envoutant procuré par cette mèche de cheveux : ce mélange de senteur des bois et de riz. Il souriait alors, regardait sa mère et hochait la tête : oui, sa mère était bien la plus belle femme du monde.

L'enfant de la liberté.Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz