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Je suis face à mon frère. Il me regarde avec des grands yeux ahurit, comme si l'idée même que je puisse marcher était pour lui était inconcevable. Je suis tout de même obliger de m'appuyer sur l'épaule de Taylor, à défaut de n'avoir rien d'autre pour le moment. Ma blessure n'est pas si anodine qu'il n'y parait, je boite plus que les médecins l'espéraient et je sais que même si je faisait de la rééducation, cela ne changerais rien. Leurs magie n'est pas assez forte pour m'aider. Taylor dit qu'il me trouvera une belle canne, mais je ne sais pas si je veux en avoir une. Je me sens comme une handicapé face à eux, qui vont parfaitement bien.

« C'est ce qu'elle t'a dis Taylor ? Tu es sur de l'avoir bien entendus ? Elle n'a pas ouvert le bouche depuis deux mois et tu me dis là que ce sont ses premiers mots ? il jette un coup d'œil à Aarhon, comme s'il ne nous croyaient pas, comme si nous étions fou.

— Oui. C'est ce qu'elle m'a dit. Taylor s'agace à côté de moi et je sens sa main serrer à peu plus fort ma taille.

— Et c'est tout ce qu'elle t'as dis ?

— Oui. Elle n'a pas parlé de toi si c'est ta question.»

Face à nous, j'observe mon frère river son regard émeraude vers le sol, l'air déboussolé. Deux mois que je n'ai pas pris le temps de le regarder comme il se doit, que je n'ose plus le faire. Je ne mérite pas qu'il regarde une fille comme moi, incapable de protéger ceux qu'elle aime. La seule chose que je sache faire correctement, c'est détruire. Je détruis tout autour de moi, le monde et ceux qui y résident.

Le corps de mon frère est plus fins qu'avant, moins musclé, mais étonnamment, il n'en ai que plus beau, assurément, je sais qu'il pourrait plaire à de nombreuses femmes si nous ne vivions pas un monde aussi dévasté. Ses cheveux sont rasés près de sa tête et sa peau est toujours aussi laiteuse qu'auparavant. Ses vêtements sont propres, son corps est propre. A bien y regarder, vivre ici, parmi leurs communauté ne doit pas être si difficile que ça, mis à part les entraînements et les missions quotidiennes.

Aarhon est affalé dans une chaise en cuir marron, son bureau est tout ce qu'il y a de plus normal, fait en bois, avec des papiers jonchant le sol, des cartes accrochées au mur, une table remplit de plan et d'outil pour mesurer toute sorte de distances. Le sol est en marbre brut et le plafond au dessus de nos têtes est blanc.

En réalité, tous les murs du bâtiment dans lequel nous vivons sont blanc. Le plafond, les portes et le sol aussi. Aucune note de couleur hormis dans cette pièce que je vois pour la première fois depuis que je suis ici. C'est la première fois que je quitte ma chambre d'hôpital et sur le trajet, je n'ai pas eu l'impression d'en être sortis. Tout se ressemble ici, comme si nous vivons dans un monde à part.

Voilà deux mois que nous vivons sous terre, deux mois que j'ai totalement perdue la notion du temps. Déjà deux mois que je n'ai pas vus la lumière du soleil. Comment se porte la nature ? Comment le monde évolue maintenant que nous avons disparus ? Je sais que notre fuite n'est pas passée inaperçue, mais est-ce qu'ils nous cherchent encore ? Ou ont-ils inventé une nouvelle excuse pour expliquer notre évaporation ?

Et pourtant, les mots sont comme bloqués dans ma gorge. C'est comme si je n'avais jamais su parler, comme si j'étais née muette. Je sais que ce n'est que par fatigue que je n'ouvre plus la bouche, par dépit aussi. À quoi bon parler puisque les mots ne sont que superficiels. Presque personne ne m'écoute, tout finit par se retourner contre moi, la pauvre survivante de ce jeu. Je me doute que je reparlerais normalement un jour, ou pas, mais si cela venait à arriver, ce ne sera qu'avec quelqu'un de confiance, ou progressivement je ne sais pas.

« Donc... Tu aimerais t'entraîner ? demande Aarhon en me regardant droit dans les yeux. »

Ses yeux émeraudes, caractéristiques héréditaires dans notre famille, me regarde intensément. Il me juge d'un regard bienveillant et curieux, un sourire aimable posé sur ses lèvres pleines et sèches. Il a l'air fatigué, son visage s'est creusé depuis la dernière fois et de vilaine cernes violettes ornent le dessous de ses yeux. Il doit avoir énormément de problèmes, sûrement bien plus que moi. Taylor m'a dit un jour que mon cousin dirige le secteur que nous occupons. Il est chargé de commander tout ceux qui sont cloîtrés ici. Et je suppose que de telles responsabilités ne sont pas toujours facile à gérer. Ses cheveux roux foncés, tirant vers le noir, et aux pointes blondes sont ternes et ses vêtements totalement froissé. Il est la personnification du mot fatigue. Aarhon est bien loin de l'homme que j'ai vus la première fois, l'homme qui semblait si décontracté et dans son élément.

« Alors ? il reprend voyant que je ne réponds pas.

— Mais c'est ce que je me tue à vous dire depuis tout à l'heure ! s'impatiente Taylor.

— C'est à elle que je parle. »

Son ton est sec presque cassant et je sens mon corps trembler d'une légère colère au même rythme que celui de Taylor.

Doucement, je repousse les mains de mon ami et m'appuie tant de bien que de mal sur le bureau face à moi. Marcher est compliqué mais pas impossible. Je suis peut être à moitié handicapée, je n'en resterais pas moins libre de mes mouvements, je veux rester indépendante. Tout du moins, je veux le rester le plus possible.

Je hoche la tête. Je ne sais pas ce qu'il cherche mais s'il veut me voir lui répondre clairement, il n'obtiendra de moi qu'une réponse cinglante, rien d'autre.

« Tu peux utiliser ta bouche pour me répondre ? Je ne comprends pas tes signes. »

Il me sourit innocemment, mais il sait qu'il essaye de me pousser à bout. Et je le sais tout aussi bien que lui. Alors, je bouge ma tête de gauche à droite, afin de lui montrer que je ne lui ferais pas ce plaisir. Pas pour le moment.

« Bon, tu lui laisse une chance ou tu compte jouer encore avec elle ? s'impatiente mon frère en tapant du pied.

— Dans ce cas, c'est moi qui l'entraînerais. »

Survivre : l'affrontement Where stories live. Discover now