V - Let's go ! - Se (re)lancer dans l'écriture

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À mort l'inspiration !

Tordons le cou d'abord à ce mensonge élitiste et absurde véhiculé par tous les professionnels de l'écriture : l'inspiration n'existe pas !

Combien restent stériles devant cette injonction vaine : "Allons ! Laisse parler ton imagination !" ? Et combien se sont résignés à un dépréciatif "je n'ai aucune imagination". Non. L'inspiration est une fumisterie !

L'idée d'inspiration vient du concept antique tout aussi absurde d'enthousiasme : une magie extérieure, surnaturelle, s'insinuerait en nous pour nous souffler le génie artistique. Parfois, on aurait du talent, ou pas, suivant les caprices de la nature à notre naissance ou des muses de passage. C'est une notion mystique qui s'appuie sur le concept de grâce divine pour trier les êtres de manière immuable afin qu'un pouvoir politique en place puisse s'en servir pour se maintenir aux commandes, que l'idée même de mobilité sociale soit reléguée au second plan derrière une résignation soumise à être et non devenir.

Or, c'est faux. On ne crée pas une oeuvre à partir de rien sur la suggestion étrangère d'une muse de passage. La créativité repose sur le ressort principal de l'envie de partager une interprétation sensible d'une compréhension personnelle du monde. Et le contenu de ce partage artistique puise sa richesse dans l'expérience et la sensibilité à ses perceptions. Pour créer, il faut donc vivre en conscience, vouloir partager et faire des choix logiques : logique narrative pour que les événements se suivent avec cohérence, logique matérialiste en choisissant les outils et matériaux correspondant à notre projet, logique psychologique et symbolique pour que les êtres et les images rendent la cohérence et le sens des choses représentées. Les sciences cognitives, psychologie et sociologie en tête, ont mis en évidence les déterminismes qui nous gouvernent si on ne les affronte pas.

C'est une conception très latine que de présupposer l'intervention divine ou un don inné. Une vision politique d'un monde donné comme fixe avec un ordre social hiérarchisé de manière rigide. Dans le monde anglo-saxon, on ne s'y trompe pas et enseigne concrètement les recettes de cette créativité. Car on reste impuissant tant qu'on ne comprend pas consciemment ce qui nous traverse inconsciemment. Et cette impuissance n'est pas perpétuée par hasard sous nos latitudes : il s'agit bien, malgré la révolution française, de perpétuer des castes, des privilèges, une immobilité sociale, une hiérarchie politique.

Écrire est une naissance.

Comme toute naissance, ça ne se fait pas en un jour.

D'abord, il faut de l'amour : pour soi-même afin de se sentir en capacité et en légitimité d'offrir aux autres ce qu'on est, pour les autres afin de leur faire assez confiance pour accepter de partager avec eux son intériorité, pour la langue enfin afin de prendre plaisir à l'apprivoiser et à la fréquenter, pour le monde et la vie afin de s'en nourrir pour l'enrichir.

Ensuite, il faut une petite graine. Ça, vous connaissez. C'est cette fulgurance, rencontre d'une maturation inconsciente de votre expérience et d'une situation extérieure qui va la faire jaillir : image, son, formule, odeur, goût, émotion...

Mais, vous vous en doutez, il faut du temps, de l'attention, des soins et de la patience pour que cette graine devienne ce qu'elle promet. Il faut laisser l'inconscient digérer, métaboliser, maturer cette semence.

Enfin, il faut l'arroser de réflexions logiques et engagées, qui s'enrichiront à se faire à plusieurs, façon brainstorming :

- quel message général je veux faire passer à mon lecteur ? quel effet je souhaite produire ?
- quel thème je veux traiter ? Pour en dire quoi ?
- qui sont mes personnages et pourquoi agissent-ils ainsi ?
- comment fonctionne leur univers et pourquoi ?

Main dans la mainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant