Troisième feuille

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Je crois que désormais, je comprends pleinement l'expression : Tourner comme un lion en cage.

Pas que j'ai quoi que ce soit en commun avec l'allure de cet animal, même si le matin, mes cheveux tentent d'y arriver.

C'est juste que je n'aurais jamais pensé pouvoir être aussi fébrile en attendant cette réponse.

Ça ne sert à rien de me mentir plus longtemps, généralement mes obsessions passent au bout de quelques temps.

Il suffit que je me rapproche un peu plus de celle-ci pour qu'elle s'évapore dans les heures voire les jours qui suivent.

Et ça aurait dû arriver avec Eliot.

Erreur, perdu.

Qu'est-ce qui a planté dans le circuit pour que ça n'arrive pas ?


Je peux affirmer que je suis sélectif mais aussi que je ne suis pas aveugle.

Il me plaît, c'est clair, en revanche il est certain que ce n'est pas réciproque et ce, peu importe son orientation.

Je me fiche d'ailleurs de la connaître.

Et je ne mens pas.

Alors pourquoi ?

Pourquoi je n'arrive pas à me sortir ce boulot du crâne alors que je n'en ai même pas besoin ?


Bon, je dois tout de même admettre que j'ai essayé de me mentir à moi-même lorsque je me suis aperçu que ça ne tournait pas rond dans mon crâne.

Du moins, un peu plus que d'habitude.

J'ai donc vainement postulé dans tout ce qui me passait sous les yeux, sachant bien entendu que mon domaine d'activité était à mille lieux de celui demandé.


Et puis je me suis plongé corps et âme dans la peinture.

Enfin surtout corps quand je constate que la pile de vêtements flingués à mystérieusement grandi en une semaine.

Elle aura bientôt la taille nécessaire pour prétendre être un sapin de Noël et peut-être qu'à ce moment-là, je pourrais prétendre que je suis un lion absolument pas obsédé par l'idée de bosser dans un Café-Librairie.

Oui, j'aime croire aux choses impossibles.


Bien entendu, comme par hasard, la panne d'inspiration m'est tombé sur le coin du crâne, si bien que je me suis retrouvé à gribouiller des rosaces devant les feuilletons niais de l'après-midi.

Et je me suis chopé un torticolis.

Un vrai de vrai, celui qui vous fait vous rendre compte que votre cou est vachement utile pour vous habiller.

La raison ?

Ma manière de me jeter violemment sur mon portable au moindre signe de sa part, suivi de la profonde déception qui me faisait chuter mollement sur le canapé lorsque c'était seulement un message de ma sœur.

Et elle m'en envoi beaucoup trop pour la santé de mon cou.


Après plusieurs jours à être plus proche que jamais avec mon portable et je me serais franchement passé de ce genre de relation vraiment ambigüe, j'ai fini par le laisser de côté, essayant de me raisonner pour me concentrer sur les choses qui me faisaient vibrer tout le temps et pas occasionnellement.

Sans mentir, j'ai presque réussi.

J'étais tranquillement en train de terminer de poser sur la toile une idée qui avait germée dans mon esprit, suite à un rêve de la nuit précédente quand mon amant -Franchement, je l'ai collé plus que quiconque en l'espace d'une bonne semaine, il méritait ce nouveau surnom.-, qui se nommait anciennement : Petit bijou de technologie, se mit à sonner.

Je ne sais pas ce qui a été le plus pathétique.

Que je me mange le chevalet dans les pieds avant que mes dents aillent dire coucou au bois ou que je me vautre sur le canapé, à quelques centimètres de l'objet m'ayant indirectement causé mille douleurs à la mâchoire alors que ce dernier arrêtait de sonner.


Y a aussi le fait que j'ai crié comme une groupie en voyant que l'appel venait d'un numéro inconnu et qu'il était très probable que ce soit Eliot.

Mais on va oublier ce petit détail, question de réputation.

Les doigts tremblants, j'ai déverrouillé mon portable, filant directement sur le journal d'appel.

Je lâchais un cri totalement stupide lorsqu'il se remit à sonner entre mes mains et décrochais rapidement avant de me rendre compte que c'était simplement un appel de ma messagerie.

Oui, j'avais tout de même dit 'Allo' avant de réaliser que ce n'était pas Eliot...

J'écoutais le message vocal avec bien plus d'appréhension que je n'osais l'admettre puis raccrochais, le déposant sur le coussin du canapé.


La voix profonde d'Eliot disait que j'étais pris et que je pouvais commencer le vendredi, si ça m'allait, par une journée de formation.

Et sincèrement, sur le coup, je ne savais pas trop quoi en penser.

J'avais ce que je souhaitais -Peut-être un peu trop facilement d'ailleurs mais n'ayant jamais été confronté à ce genre de situation, je n'en savais trop rien. -, bien que je n'y avait jamais réellement cru et je ne trouvais pas le moyen de me réjouir.

Pire, je flippais carrément car pour la première fois de ma vie d'adulte, j'allais me confronter au monde du travail et peu importe comment je retournais ça dans mon petit crâne, c'était loin d'être pareil qu'un stage effectué pendant mes études.

Cherry [BoyxBoy] ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant