Chapitre un.

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Question du jour : quel est, selon vous, la meilleure adaptation d'un livre ?

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Depuis deux ans, on nous a souvent répété que Timéo et moi n'étions pas assortis.

Lui, l'extraverti et le fêtard.

Moi, l'introvertie et la studieuse.

Toutes ces personnes s'arrêtent aux apparences. Ils voient ce qu'ils ont envie de voir, sans jamais chercher à comprendre.

La réalité est bien différente de ces critères très réducteurs. Ce qui nous a réunis dès notre première conversation – ou peut-être seulement à partir de la quatrième – est notre goût commun pour les films et pour la lecture, même si nos genres de prédilections sont diamétralement opposés. Lui aime l'action brute, les scénarios tordus et compliqués, il adore s'échiner pendant des heures à comprendre la signification de chaque événement, bien qu'il ait souvent tort, tandis que je préfère une intrigue simple, mais bien écrite, des personnages humains auxquels il est possible de s'identifier. Bien qu'il me faille aussi une dose d'action, des amitiés qui se créent, des trahisons, des retournements de situation, des bouleversements.

Ainsi, je lui ai fait découvrir des choses qu'il a détestées, mais aussi qu'il a adorées, qui sont devenues ses films ou livres préférés et inversement. C'est cela que j'apprécie entre nous.

Oh et, évidemment, notre passion pour tout ce qui touche à la mythologie. Tout comme moi, il est fasciné par les anciens dieux, qu'ils soient grecs, nordiques ou encore égyptiens. La vision du monde des gens d'autrefois m'a toujours semblé plus saisissante que la nôtre.

Timéo s'est montré tout aussi curieux que moi concernant ces mythes et c'est ce qui nous a rapprochés, dans notre minuscule université de six cents étudiants. Il est le seul que je trouve vraiment intéressant et, en contrepartie, je suis l'unique personne qui ait réussi à le retenir plus de deux mois, volatile comme il est.

Néanmoins, cette nuit, si proche du nouvel an, je me dis que les gens ont sans doute raison. Nous sommes mal assortis.

Il a passé sa soirée à voyager d'un groupe à l'autre, saluant tout le monde, trouvant toujours une blague à dire, un commentaire à faire. Il nageait dans cet univers comme un poisson dans l'eau, tandis que je battais furieusement des nageoires pour tenter de garder le cap. Je l'ai suivi, je l'ai écouté, mais je suis restée terriblement silencieuse et mal à l'aise.

Je me sentais oppressée par la foule et agressée par le mouvement. Ce n'était pas une partie de plaisir, loin de là. Néanmoins, j'ai maintenu un sourire sur mes lèvres toute la soirée, pour que Tim puisse s'éclater autant qu'il le souhaite.

Il est désormais minuit moins le quart et mon meilleur ami est déjà avachi sur le sol, à rigoler à ses propres blagues. J'ai réussi à le tirer loin de toutes ses connaissances, près de la scène principale. Un pan de muret est libre sur quelques mètres, car des imbéciles ont renversé de la bière partout. Cela ne me dérange pas, et Timéo est à des années lumières de ce genre de préoccupation.

La preuve : il se roule dans les mégots de cigarettes et dans les flaques d'alcools, détruisant sa tenue malgré mes protestations. Il a les yeux à moitié plissés et ses lèvres sont tellement étirées que j'ai mal pour lui. Ses joues sont creusées par deux petites fossettes.

- Rhééééa ! s'écrie-t-il soudain. Je t'adore tellement.

Je secoue la tête, un vague sourire sur les lèvres. Je tente à nouveau de lui attraper la main afin de le redresser, mais il ne se laisse pas faire, évidemment. Il la retire brusquement et la place à l'opposé de ma position, puis il m'adresse un clin d'œil victorieux. Ce petit succès semble le rendre très heureux.

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