Chapitre 1 : Le train (1ere partie)

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"Le train numéro 3318 à destination de Cherbourg est annoncé voie 27" annonce une voix robotique dans les hauts parleurs de la gare. Je me dirige vers le quai en prenant soin de vérifier mon billet de train. Je serre fort la poignée de ma valise, l'espoir chevillé au corps et des rêves plein la tête!

Mais je ne veux pas brûler les étapes. Je dois avant tout montrer qu'on peut me faire confiance et que mon projet vaut la peine qu'on s'y attarde.

"Mets toutes les chances de ton côté et il ne pourra rien t'arriver", je me répète en boucle. L'avenir est devant moi et je compte bien en profiter.

Une fois installée à ma place, je relis mon dossier de candidature. Je le connais par coeur, cependant ce n'est pas suffisant. Je dois être capable de le défendre le plus naturellement possible. Hors de question que je bafouille devant mes interlocuteurs.

Ma voiture se remplit plus vite qu'une ruche et bientôt plus aucun siège n'est libre. Si mes pensées vagabondent quelque peu, je suis tirée de ma rêverie par une voix inaudible ou presque !

"Mesdames et messieurs, bonjour, je vous souhaite la bienvenue à bord du train 3318 à destination de Cherbourg. Il desservira les gares d'Évreux, Lisieux, Bernay, Caen, Carentan et enfin Cherbourg, le terminus de ce train. N'oubliez pas d'avoir composté vos titres de transport. Si vous ne l'avez pas fait, signalez vous auprès des contrôleurs qui se trouvent actuellement en voiture 17 à l'arrière de ce train. La SNCF, son personnel de bord et moi - même espérons que vous ferez un agréable voyage. Nous vous rappelons également que les accompagnants sont invités à descendre du train."
"Qu'ils descendent vite surtout!" dit une voix derrière moi. "Je n'ai pas de temps à perdre avec des gens qui n'ont rien à faire ici", ajoute-t-elle un peu nerveuse.

"Encore un angoissé du rail qui va pousser une gueulante dès la moindre contrariété" me suis-je dis instantanément. « J'espère qu'il ne va pas s'asseoir à côté de moi. Je ne supporterait pas qu'il crie dans mes oreilles à la première occasion ! »

Pourvu qu'il ne soit pas dans ma voiture ! Je ne supporterai pas un tel énergumène !" J'ai pensé mais probablement trop fort parce qu'une paire d'yeux me dévisage! Je réalise au même moment que c'est le râleur. Je tente de fermer les paupières mais lorsque je les ouvre de nouveau, il est assis à côté de moi. L'enfer vient - il de frapper à ma porte?

Le train se met en route et je prie pour que mon voisin reste muet. Je n'ai pas envie de lui faire la conversation.
Si c'est pour l'entendre se plaindre ou gémir parce qu'il ne peut pas étendre ses longues jambes, non merci !! Pas envie de gâcher mon plaisir de voyager vers ce qui sera le point de départ de ma nouvelle vie.

Avant que j'oublie, je vais vous parler de mon voisin. C'est un jeune homme grand et bien fait de sa personne. Musclé mais pas trop et de beaux yeux noisettes. Non, je ne suis pas en train de dire qu'il pourrait devenir mon amant voire mon petit ami. Il semble tellement arrogant que je regrette de ne pas avoir pris de la lecture. Avec un livre, je serais pas sans cesse tentée de le regarder sous toutes les coutures. Il est tellement sexy que ne pas l'admirer serait un pêché. Cependant, je dois me concentrer sur ce qui sera le rendez-vous de ma vie!

"Mais pourquoi, ai-je oublié de prendre un livre?", je me demande à la limite de la crise d'angoisse. Je suis une dévoreuse de livre. Mes amis me surnomme "bibliothèque". Cependant je ne puis affirmer avec certitude que cela soit un compliment. L'individu qui se trouve à mes côtés a décidé de dormir et voilà que je découvre son principal défaut : il ronfle ! Pas un peu, non. Ce serait trop simple mais comme un avion de chasse en perte de vitesse.

Nous ne sommes pas encore arrivés au premier arrêt du train que je me dis que je ne pourrais supporter les ronflements de cet homme pendant les deux heures que dure le trajet.
Il va bien falloir que je trouve une solution pour qu'il cesse de mettre mes oreilles à mal. Je ne peux pas siffler (je ne suis pas douée pour cela de toute façon), ni lui crier dessus (il faut respecter les autres) ni le pincer (je ne le connais pas assez pour cela) et encore moins l'embrasser à pleine bouche (ce serait indécent et puis ce n'est pas mon style d'homme). J'avoue que l'idée de l'embrasser langoureusement ne serait pas pour me déplaire! Après tout, je ne songe pas à poursuivre une quelconque relation avec un homme rencontré dans un train tôt le matin.
"Ça ne va pas bien, ma pauvre fille! Tu commences à imaginer embrasser un homme que tu ne supporte pas! Quelque chose ne tourne pas rond dans ta tête!! Resaisis toi ! Et vite!!", je pense beaucoup trop fort !! Je réalise dans un effroi que j'ai dit tout cela à haute voix! Tout le monde me a les yeux rivés sur moi. Je me sens terriblement honteuse de ce que j'ai fait. Impossible de faire comme si de rien n'était. Mon voisin me sourit bêtement avant d'éclater de rire ! Voilà que j'ai réussi à le faire arrêter de ronfler mais qu'en prime, je l'ai bien réveillé.

"Alors comme ça, je ne vous laisse pas indifférente? Voyez-vous cela! Je veux bien satisfaire votre désir, mademoiselle. Ce serait un honneur de vous prouvez que je sais me servir de ma langue et goûter la saveur de vos lèvres n'est pas pour me déplaire. Puis-je?" finit-il par me dire en se penchant vers moi. Je tourne la tête vers la fenêtre non seulement pour admirer le paysage mais aussi pour me donner une contenance. Il ne va quand même pas se croire tout permis, ce serait tout de même pas convenable!! Je ne suis pas le genre de fille à me laisser aller avec qui que ce soit et où que ce soit ! Je ne lui ai toujours rien répondu. Le silence entre nous devient gênant. D'ordinaire, je suis la reine de la répartie mais aujourd'hui, je suis dans la panade. Rien, nada que dalle, je suis sans voix. Après un long moment d'hésitation, je me lance dans une réplique que je souhaite cinglante « Arrêtez de croire que vous êtes irrésistible ! Vous n'êtes pas le centre du monde ! Vous pouvez garder votre langue dans votre bouche ! », j'ai dit sur un ton que j'ai souhaité le plus sec possible. Il n'a pas vraiment cru à ce que j'ai dit. J'y ai pourtant mis toute la sincérité que j'avais en moi. Je crois qu'un trou de souris aurait été mon plus beau refuge à cet instant là !

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