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Le son inimitable d'un hélijet les réveilla tous les deux. Il ne devait pas s'être écoulé plus de quelques heures car dehors il faisait encore nuit. Un terrible mal de tête assaillait Mona, qui de surcroît était engourdie par sa position inconfortable, contre la caisse posée sur le sol irrégulier de la forêt. Loïs s'était aussi réveillé. Il avait une mine terrible.

La jeune fille ouvrit la tirette de la tente. Elle frissonna. Le frère, toujours couché sur le lit de feuilles mortes, était recouvert d'une couverture isotherme. Il ne semblait pas aller mieux ou moins bien que plus tôt. Il respirait toujours.

Une dizaine d'agents de police encerclèrent bientôt le campement de fortune, menés par une femme aux cheveux courts et grisonnants. La commissaire avait le regard accablé par le quotidien. Mona se dit qu'elle devait avoir vu de nombreux autres Loïs et Edvan et qu'elle ne risquait pas d'être émue par leur récit.

La présence de Mona fit sourciller la sévère figure d'autorité, tandis que ses subalternes prenaient possession des lieux et appréhendaient les deux hommes.

— Que fais-tu ici petite, au milieu de nulle part, à aider des réfugiés ? dit l'agente en inspectant son persoportable.

— Je...

Mona ne sut que dire. Elle avait pourtant passé une bonne partie de la journée à trouver les arguments les plus farfelus pour justifier son geste, bien qu'elle ait eu ses parents en tête plutôt qu'un agent de police.

— Bon, tes parents seront soulagés au moins. Ils ont lancé un avis de recherche il y a une heure.

— Une heure ?

— Cela t'étonne aussi ? Dites-moi, quelle est la relation que tu entretiens avec tes parents ?

— Plutôt bonne... enfin je crois.

Mona vit du coin de l'oeil ses deux nouveaux compagnons être embarqués dans l'un des hélijets.

— Attendez ! qu'allez-vous faire d'eux ? 

— Ce n'est plus ton problème petite.

— Bien sûr que si ! Vous allez les déporter comme tous les autres c'est ça ?

— Ils peuvent remercier le ciel de s'en être sortis vivants. Nous examinerons leur demande d'asile ne t'en fais pas.

— Comment ferai-je pour les retrouver ?

— Que peut bien te faire le sort de ces deux hommes ?

— Je... je ne sais pas.

— Tu sais que l'équilibre écologique de notre planète est fragile et qu'on ne peut pas accueillir toute la misère de l'univers.

— Toujours la même rengaine !

— C'est parce qu'elle est vraie ! Regarde autour de toi : quelle nature magnifique n'est-ce pas ? Tu en vois la valeur car c'est ici que tu es venue te réfugier pour méditer.

— Et alors ?

— Si nous accueillons tous les réfugiés en orbite, crois-tu que nous pourrions nous permettre le luxe d'avoir de telles réserves naturelles ?

— C'est donc le choix entre l'homme et la nature !

— Écoute, nous ferons notre possible pour ces deux-là, je t'en fais la promesse.

L'hélijet se posa bientôt à quelques encablures du bloc d'appartements des parents de Mona. Ils attendaient, éclairés par la lumière déclinante du soleil quetrolien. On disait que Quetro est un peu plus petite que la Terre et que l'horizon paraissait faux, bien que plus personne n'aie mis les pieds sur Terre depuis la Vitrification. Mona ne savait qu'en penser. Elle fut accompagnée devant ses parents qui couvrirent la policière de remerciements. Son père se tourna vers Mona. Il n'affichait pas la mine sévère à laquelle elle s'était préparée. Sa mère resta silencieuse pendant le court trajet à pied jusqu'à l'appartement.

Arrivés au pas de la porte, Mona vit des valises toutes prêtes.

— Ma chérie, nous avons décidé qu'il était dans ton meilleur intérêt de partir à l'internat pour cette année scolaire.

Mona voulut crier mais elle se tut. Elle pensait à Loïs et à son frère gisant dans les herbes froides de la réserve de Selva. Plus rien d'autre n'avait désormais d'importance.

Monakina KayodeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant