Les Chroniques d'Idan (tome 1) : La Dernière Banshee

Chapitre XXXX

Ma tête roule sur le côté tandis que les larmes refusent de couler. Mon regard oscille entre le corps sans vie de Thomas et la silhouette d'Aoile qui, tel un mirage, n'est plus qu'une fine couche de poussière témoignant de son passage. En l'espace d'une bataille, j'ai perdu mes deux alliés les plus précieux. Comment continuer la guerre, sans eux à mes côtés ?

Je ne suis qu'une Banshee, non-entraînée de surcroît. Je n'ai pas ce qu'il faut pour me lancer dans une guerre pareille, en considérant mes antécédents. Je n'ai pas le courage d'affronter la tristesse d'Arynn, encore moins la douleur d'une mère comme Elyane, ni même la douleur dévastatrice d'Aoile. Je n'ai pas envie d'aller la chercher, ni même d'essayer de deviner où elle se cache.

Je suis seule dans cette rame de métro détruire, entourée de cadavre. Je ne peux rien faire de plus que d'observer et prier pour que tout cela ne soit qu'un mauvais rêve. Mais les mauvais rêves sont le quotidien des Banshees et je sais pertinemment que tout ce que je vis est réel. Je n'ai plus la force de hurler de rage. Je n'ai pas envie de détester Aoile, ou mes parents. Je n'ai pas envie de penser à ce que j'aurai du dire à Thomas si j'avais su...

De ce que j'aurai dû faire pour lui sauver la vie. Je ne veux pas devoir affronter Arynn sur Idan et la voir pleurer. Je sais déjà qu'Elyane et Aya vont me haïr. Arynn essayera de mettre la faute sur les créatures, mais la vérité est bien là : j'ai tué Thomas et je ne peux m'en cacher. Je n'ai nulle part où aller. Idan est le seul endroit sur Terre où il reste des gens en vie, mais plus personne ne voudra de moi après ce que je viens de déclencher.

Quand à Madame Henoch que je voulais tant protéger, je viens de la tuer sans sommation. Cette fois, j'ai vraiment envie de crier. Je me relève avec difficulté, le regard vide et le cerveau vide de toute pensée. Je ne sais ni quoi faire, ni où aller. Toutes les solutions me semblent impossibles et irréalisables. Je suis de retour à la cause départ, sauf que cette fois je suis littéralement seule. Cette fois, plus d'Orphelinat, plus d'Idan.

Je sais que je ne peux pas prédire la manière de réagir d'Elyane, Aya ou Arynn, mais je me doute qu'elles ne vont pas m'accueillir à bras ouvertes, surtout si je porte le corps de Thomas dans mes bras. Une énième larme parvient à rouler sur ma joue en pensant que ma dernière interaction avec lui aurait été une dispute. En effet, il est impossible de savoir quand quelqu'un va mourir, mais j'aurai pu dire autre chose ou quelque chose de plus sympa.

J'aurai dû le sortir d'ici en vie, comme je l'avais promis à Arynn ne toute façon. Je suis honteuse et coupable, parce que je ne suis pas parvenue à tenir une simple promesse. Et la seule personne qui m'attend sur Idan est Archibald. Mon Dieu, même T'Shael va me détester ! Et la dernière fois que cela s'est produit, Aoile a failli en mourir. C'est sûr, si j'y retourne, je serais jugée et sans doute condamnée à mort !

Un cri puissant sort de mes entrailles pour balayer la pièce. C'est un mélange de rage et d'incompréhension. A quoi bon être une Banshee si c'est pour voir mourir tout le monde ? Le monde autour de moi se met à tourner et je retombe au sol, passant du cri aux pleurs. Les larmes affluent et descendent le long de mes joues jusqu'au sol, créant une flaque à mes pieds.

Les mains de part et d'autre de ma tête, je me laisse pleurer jusqu'à ce que cela me fatigue. J'espère toujours qu'Aoile revienne et me prenne dans ses bras pour me calmer, comme elle le fait quand je suis triste. Mais cette fois, je dois compter sur moi-même et uniquement moi. Un flocon de neige s'écrase sur le sol à mes côtés.

Je lève les yeux pour y découvrir le ciel, ainsi que le triste et pâle soleil d'hiver. Des flocons commencent à tomber, comme si Dieu lui-même m'offrait du froid pour calmer la brûlure intense qu'est la mort. Dans ma tête, je vois des créatures tomber au combat. Ici, une Aziza qui s'écroule, percée d'un javelot. Là, un dragon qui tombent, arrachant la moitié d'une forêt, plusieurs épées dans le ventre.