Le courage de Thibaud.

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Thibaud, ça a toujours été le gros de service.

Thibaud le gros. Ça rime en plus. C'était encore pire.

Dès l'école primaire, les gamins de la classe l'ont appelé comme ça. C'est cons les enfants à cet âge. Thibaud aussi c'était encore qu'un enfant, alors il leur répétait :

- Matt la patate ça rime aussi. Et Léon le bouffon, et Clémence la connasse ça rime pas mais ça marche aussi en fait.

Ils riaient et puis finalement, l'un d'entre eux lui repondait un truc comme :

- Non mais Thibaud le gros est un petit rigolo ou je rêve ?

Il ne s'est évidemment pas fait de copain durant cette période. Il a commencé à se taire. Il a arrêté le judo.

- C'est nul maintenant, a-t-il simplement dit à ses parents.

Après il y a eu le collège. Au collège c'était encore pire. Il y avait toujours la même bande pour venir l'embêter. Sauf qu'ils s'étaient fait de nouveaux amis. Pleins.

- Regarde, si tu l'appelle Thibaud le gros il va se renfermer comme une tortue. Eh ! Thibaud le gros !

C'était instinctif maintenant. Chaque fois qu'ils le surnommaient ainsi, il se recroquevillait sur lui même. Il rentrait la tête dans ses épaules et faisait le dos rond.

Il a arrêté de répondre aux insultes. Il s'est tu. Même lorsque son prof d'histoire lui a demandé si tout allait bien avec les gens de sa classe. Même lorsque sa mère lui a demandé s'il n'avait personne à inviter à son anniversaire.

- Je ne comprend pas, tu es si doux, disait-elle. Tu es le garçon le plus gentil que je connaisse. Le plus intelligent et le plus généreux.

Il se répétait que ça aurait pu être pire. Il aurait pu se faire tapper, racketter. C'était simplement des mots. S'il pouvait ne plus les entendre alors c'était comme si ils n'existaient plus.

Thibaud a alors inventé un truc. Il passait son temps à se raconter des histoires dans sa tête. Pendant les récréations où il marchait seul. Pendant le repas où il dejeunait seul. Pendant que tous ces débiles l'insultaient. Il s'imaginait président de la République, chanteur dans un petit pub londonnien, basketteur à la NBA... Tout était mieux que la réalité.

C'est cons les ados à cet âge. Tellement cons.

Parce que personne ne prenait la peine de chercher à savoir qui était Thibaud et c'était le meilleur ami que personne n'aurait pu avoir. Il aurait sacrifié sa vie pour une personne qui l'aurait aimé, il aurait pû être drôle et déroutant, généreux et donner autant d'attention qu'on en aurait eu besoin.

Le lycée est arrivé. Avec un an de retard. Mais il était bien là.

La mère de Thibaud lui répétait sans cesse que le lycée c'était merveilleux. Qu'il y avait tout un tas de gens différents et que Thibaud tomberait forcément sur quelqu'un avec qui il pourrait s'entendre.

Mais ce ne fut pas le cas et Thibaud n'avait pas forcé pour ça. Il avait eu l'habitude d'être seul et maintenant il n'avait pas la force de faire des efforts de sociabilité.

La mauvaise troupe n'était plus là, derrière son dos à longueur de temps, excepté Léon le bouffon. Lui il était toujours présent, à croire qu'il était sur Terre pour gâcher la paisible vie que se construisait Thibaud.

Il avait grandi Léon le con. Il commençait à avoir de la barbe et commençait à plaire aux filles.
Quand Thibaud le croisait dans les couloirs, aux bras d'une blonde (d'une rousse ou d'une brune : ça changeait sans cesse), il le saluait d'un :

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