Coma 9

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Elle est entrée dans le bureau et je suis restée dans l'encadrement de la porte. La première chose qui attire mon regard, c'est la montagne de livres qui garnit les bibliothèques. Quasiment tous les murs en sont recouverts ! Le bureau, côté gauche de la pièce, est encombré d'une rangée de piles de bouquins, plus ou moins gros, de différentes couleurs. Un écran est posé dans le coin gauche, de façon à ne pas être visible par n'importe qui, avec un clavier devant, un sous-main occupant le reste de l'espace, avec quelques stylos çà et là. Une table rectangulaire occupe la partie droite avec six chaises.

Je vois du coin de l'œil qu'Angie observe mes réactions. Elle attend sans aucun doute une étincelle dans mon cerveau sans lumière ! Je décide de faire abstraction de ses attentes et j'avance vers le fauteuil ministre qui complète le bureau. Je me pose dedans. C'est confortable. Mais je n'ai aucune idée de ce que je dois y faire. « Code du commerce », « Code de la famille », « Code du patrimoine »... des bouquins de droit, je l'ai bien compris mais, à part ça, aucune étincelle, aucune envie, rien.

— Je suis juriste ?

— Cela ne te rappelle rien ?

— Non. Vraiment rien. Alors ?

Elle hésite. Mais, moi j'ai besoin de réponses. Maintenant ! Elle pince ses lèvres et semble troublée par mon changement d'humeur. Il semblerait que j'ai froncé les sourcils. Je respire à fond pour retrouver un certain calme.

— Dis-moi, Angie. J'ai besoin de savoir.

— Tu es avocate. Tu traites principalement les affaires familiales : divorce, contestation de succession, adoption... mais principalement les divorces.

Je pense un instant que c'est une plaisanterie mais devant son air sérieux et impliqué, je ne peux que me rendre à l'évidence. Et j'éclate de rire, un fou rire, impossible à réprimer devant l'absurdité de la situation. Quand je vois son air inquiet, je reprends mon souffle progressivement.

— Qu'ai-je dit de drôle, Jordan ? Je ne vois pas.

— Tu ne vois pas ? Je suis avocate, Angie. Avocate !

— Euh... oui. Et ?

— Une avocate sans mémoire ! Une putain d'avocate sans mémoire !

— Oh... mais c'est provisoire.

— Ou pas.

Elle s'avance vers moi et pose une main sur mon épaule. Elle me rassure mais je ne l'écoute qu'à moitié. Son intention est louable mais je suis lucide : aucun souvenir de mon métier, ni texte de loi, ni dossier client... rien. Je garde tout cela pour moi, inutile de la stresser davantage. Elle rejoint la cuisine pour préparer le repas.

Je ne ressens absolument rien dans ce bureau. Je fouille les tiroirs : des fournitures de bureautique, des dossiers. Toujours le néant. J'allume l'ordinateur. Bon, je sais encore faire ça ! Et je me retrouve devant une demande de mot de passe... Je me cale dans le dossier du fauteuil, je ferme les yeux et je me concentre. C'est quoi ce fichu mot de passe ? Je n'ai rien à quoi me raccrocher : ni hobby, ni prénom, ni date. Même pas ma propre date de naissance ! Enfin si j'ai un prénom. J'essaie « Angelina ». Loupé. « Jordan » ? Je suis peut-être très narcissique. Loupé. « AngelinaJordan ». Loupé. J'ai droit à cinq essais, il m'en reste deux. Bon, encore un et puis j'arrête. Je ferme les yeux et pose les doigts sur le clavier. Je regarde avant de faire « Entrée » et je lis « AngieJordan3 ». Bingo !

Super, je me retrouve devant un écran plein d'icônes et je ne sais pas quoi en faire. Bon, j'ai fait un pas, ce sera suffisant pour aujourd'hui. Je me réfugie à la cuisine. Et je décide de faire la conversation :

— Tu nous fais quoi de bon ?

— J'ai sorti des escalopes de poulet et je vais faire une ratatouille. Cela te convient ?

— Je te dirai ça quand j'aurai goûté ! Je peux t'aider.

Elle me regarde perplexe. J'ai l'impression de passer mon temps à dire des conneries, en fait.

— Euh... d'accord ! J'ai nettoyé les légumes. Tu peux les détailler en cubes ? Enfin, tu épluches les oignons avant, hein... Enfin, si tu veux...

— OK, pas de soucis.

Le temps qu'elle prenne la marmite dans un des placards, je fais le tour du plan de travail et me retrouve à ses côtés. J'ai repéré les couteaux et j'en prends un sans me poser de questions. Je trouve la planche à découper de suite. Je prépare mon plan de travail et j'épluche les oignons pour commencer. Je me débarrasse des épluchures et j'entame la découpe. Cela me détend, j'ai l'impression de savoir ce que je fais. Une fois les oignons terminés, je les réserve dans un saladier et j'annonce leur disponibilité à Angie. 

La roue du destin - Coma !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant