Avgnor

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Le soleil apparaissait à peine à l'horizon et projetait déjà ses doux rayons matinaux dans le ciel orangé. Céleste fut secouée par les coups qui creusaient son ventre. Ses cils papillonnèrent avant de laisser place à ses iris jade. Elle se redressa, tenta d'envoyer un coup à son agresseur mais l'action ne s'effectue que dans son esprit. Elle réalisa en effet que ses mains étaient toujours attachées dans son dos. Les têtes de Thalion et d'Oloron apparurent dans son champ de vision.

— Bon, debout on a encore de la route à faire, lui ordonna le blond avant de s'éclipser.

Sans protester, Céleste sauta pour atterrir sur ses deux jambes. Elle fut surprise d'avoir suffisamment de force pour effectuer ce mouvement. À l'étonnement général mais surtout au sien, elle monta avec Thalion sur son cheval et non à sa place habituelle à l'arrière de la calèche. C'était sans doute la plus belle monture qui lui était jamais donné de voir. La jument possédait un pelage blanc immaculé, pur et innocent. Une longue crinière s'enroulait presque autour de la jambe de son cavalier et lui fournissait une telle élégance que la jeune femme oublia presque son aversion pour les chevaux blancs.

Elle savait qu'ils étaient le symbole absolu de la noblesse, c'était pour cela que le sien était un robuste à la robe noire. Sahale ne voulait pas la considérer comme sa fille, encore moins comme une noble ce qui n'était pas plus mal. La plupart des nobles se prenaient pour des princes, ce qui avait le don d'exaspérer la chimère. Pour rien au monde elle aurait aimé être associer à eux de quelque façon que ce soit.

Trois heures après avoir pris la route, sur des chemins tantôt sinueux tantôt boueux, Thalion s'arrêta brusquement. Céleste fut légèrement projetée contre son dos. Il leva le bras en fermant son poing, ordonnant ainsi aux autres d'en faire autant.

— C'est ici.

Céleste ne savait pas vraiment où il l'emmenait mais il semblait qu'elle était l'élément clef de leur recherche. Aegnor l'aida à descendre et coupa la corde qui entravait ses poignets. Face à eux s'étendait un sol aride sans l'ombre d'une végétation. L'herbe grasse et verte s'estompait sur la ligne qui marquait le début d'un nouveau territoire. Étrangement, Céleste trouvait l'endroit familier, mais il ne lui inspirait pas confiance. L'ambiance repoussante qui régnait lui fit l'effet d'un coup de couteau en plein cœur. Un frisson longea son échine et ses poils se dressèrent sur sa peau. Ses oreilles se baissèrent légèrement vers l'arrière à l'affût du moindre bruit mais aussi pour exprimer sa peur. Chaque parcelle de son corps semblait vouloir décamper d'ici et au plus vite. Elle s'avachit sur son être, voulant se faire toute petite, tellement petite qu'on ne la verrait même plus. Elle voulait faire disparaître son mètre quatre-vingt et ne plus jamais remettre les pieds sur ces terres. Le lieu était glauque, tantôt par les charognes tantôt par l'odeur nauséabonde qui s'en dégageait.

— Bon, la chimère, je t'explique le plan, intervient Thalion en coupant court à l'effroi de Céleste, tu vas entrer sur ces Terres, après environ vingt ou trente minutes de marche tu arriveras  face à une arche en pierre, si je me souviens bien. Tu vas devoir traverser cette arche, c'est en réalité un portail magique qui a été camouflé par les fées. Il te transportera dans un monde parallèle appele Avgnor, ce nom t'évoque peut-être quelque chose étant donné qu'il s'agit de la terre des démons.

Céleste n'en revenait pas, il lui demandait de s'introduire chez les démons. Sur le sol qu'elle redoutait le plus, le monde qui hantait ses nuits comme ses jours. L'essence même de sa véritable nature qui détruisait sa vie. Impossible. Elle ne pouvait pas, elle en serait incapable.

Son corps se tétaniserait, elle perdrait tous ses moyens. Oh, du courage elle en avait ça oui, mais là c'était trop lui demander. La jeune femme n'avait pas la force de combattre autant de souffrance. Une douleur qui animait son quotidien et ne la quittait pas même dans ces rares moments de bonheur. Celle qui avait causé la mort de sa mère, qui avait nourrir la haine des autres à son égard mais aussi celle qu'elle éprouvait envers son père et envers elle-même. Céleste se détestait plus que les autres ne la détestaient. Elle n'aimait pas le monstre qui rongeait son âme depuis sa naissance. Elle n'ira pas, elle ne pourra pas y aller.

Le Monde de Nitencia [ PAUSE ]Where stories live. Discover now