■ Chapitre 6: Quand le destin est joueur ■

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13 avril 1855

"- Irène ! Dépêche toi." Ordonne ma tante depuis le seuil de la porte d'entrée

J'accélère le pas et descends à toute vitesse les escaliers. Chose peu aisée lorsque l'on porte une robe de bal avec une multitude de jupons dessous...
Ma tante me lance un regard réprobateur en me voyant courir ainsi. Elle ne dit mot, mais j'ai bien compris qu'il vaut mieux pour moi que je me calme, et rapidement.
Malheureusement j'expulse mon stress en utilisant toute mon énergie...  Et ce soir je suis particulièrement stressée. Et pour cause ! Je fais aujourd'hui ma première.

Je monte dans la fiacre à la suite de ma tante. Elle inspecte minutieusement ma robe cherchant le moindre détail allant de travers.
Elle fini par hocher la tête de satisfaction.

Je commence à triturer mon rubis, visible de tous, à cause de mon corsage à col rond qui dénude entièrement mes épaules. Un volant de dentelles traverse mon buste galvanisant ma poitrine déjà embellie par mon corsé serré au maximum. À vrai dire j'étouffe. D'une, à cause de ce corsé, de deux à cause de mon imposante robe, et de trois sûrement à cause de mon anxiété...

Je sors mon éventail et l'agite devant mon visage dans l'espoir de respirer à nouveau.

"- Rappelle toi Irène. Tu dois jouer ton rôle à la perfection. Tous nos efforts vont enfin porter leurs fruits. Fais nous honneur " déclare ma tante

J'hoche la tête et respire un grand coup. Ce bal est déterminant. C'est mon entrée dans la haute société. Tout doit être parfait, j'en ai conscience. Je ne devrais aucunement laisser mon esprit divaguer sur mes problèmes ce soir.

J'aimerais pouvoir toucher ma montre pour me rassurer. Mais ma tante m'a empêché de prendre un réticule... En ayant ma montre, j'aurais eu l'impression que ma mère m'accompagnait. Qu'elle aurait été là avec moi. Qu'elle m'aurait vu devenir une jeune femme. J'espère qu'elle me voit depuis l'au-delà. Et qu'elle est fière de moi, de qui je suis.

♧♧♧

Madame Beaulieu vie dans une grande demeure parisienne entourée d'une immense propriété verdoyante.
Dans la cours, les fiacres défilent autour d'une fontaine Italienne où des statues de jeunes femmes renversent leurs jarres afin de remplir le bassin.
La nuit est tombée, l'air est frais, je suis en manches courtes et peu couverte, mais j'ai l'impression d'être dans le sud de la France en plein été... L'atmosphère est lourde et étouffante. Encore plus dans le vestibule que dehors.
Des valets débarrassent les invités de leurs manteaux et de leurs sacs avant de les escorter jusqu'à la salle de bal.

Tout n'est que luxe. Le carrelage et les murs arborent des couleurs dorées. Les plafonds sont décorés par des peintures dignes des plus grands peintres du siècle passé. Le mobilier est surchargé de sculptures en ébène ou en or. Cette demeure à certainement vu défiler des générations de Beaulieu déjà bien avant la Terreur.
Si j'imaginais Versailles, je la verrais un peu comme ça, en beaucoup plus grande. 
Il n'est plus à douter que la famille Beaulieu avait déjà une place de choix dans la monarchie et qu'elle a su maintenir jusqu'à nos jours...

La salle de bal, à l'instar des autres pièces, est toute aussi riche de décorations et de raffinements.
Quelques têtes se tournent dans ma direction. Rouge- empire et finement ornée de motifs gris, il est vrai que ma robe flamboyante ne passe pas inaperçue.
Je ravale ma boule d'anxiété qui était coincée dans ma gorge pour faire apparaître mon masque.
Je repère Madame Beaulieu au centre d'un cercle formé en majorité par des femmes. Je me dirige avec confiance vers elles tout en lançant des regards à la fois charmeurs et mystérieux aux curieux qui me dévisagent.

CIRCUS: The Madness BeginsWhere stories live. Discover now